Documents d’artistes de Marina Pirot

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En cours de lecture, plongez dans l’ambiance de la serre-laboratoire-scène de
Kerminy1Captation de l’installation sonore permanente de Dominique Leroy. Cyclo-farm, Kerminy, Ropsorden (France), 2023. Captation sonore de Bastien Gallet.  :

Percées · L'Extension recherche et création · Installation sonore permanente de Dominique Leroy

***

            Je suis un corps pluriel, qui joue à écrire les ressentis d’expérience de multiples corps ayant traversé les ateliers de maraîchage écosomatique de la saison 2023 à Kerminy2Kerminy (kerminy.org/) est un lieu fondé en 2020 par le duo artistique (n) (n.kerminy.org), que je forme avec Dominique Leroy. Nous y impulsons des associations complémentaires avec Open (open.kerminy.org), Écosoma (ecosoma.kerminy.org/wiki/a_propos), Cyclo-farm (cyclo-farm.kerminy.org/start) et Miny-Hack (minyhack.kerminy.org), pour l’acquisition du domaine patrimonial de 12,5 hectares à Rosporden, Finistère, France., lieu d’agriculture en arts en Finistère dont je suis l’une des fondatrices.
Dans la microferme maraîchère et fruitière, créée pour être à la fois nourricière et laboratoire d’explorations artistiques, je développe des propositions de maraîchage somatique, des sessions collectives où des guidances somatiques se combinent à des gestes d’agriculture. Des focus attentionnels sur les systèmes de perception de nos corps en relation avec les végétaux cultivés font du maraîchage une pratique d’écosensibilité vécue en collectif et en plein travail agricole.

Dans ce texte, le corps multiple, narrateur, est le mien, celui de Marina qui a guidé et préparé les sessions; il s’hybride ici à ceux de tous·tes les participant·es qui ont fait retour sur leur vécu. Les corps de Julie, Anna, Benoît, Lætitia, Fabienne, Mathilde, François, Éric, Lola, Anne, Didier, Liz3Douze ateliers menés de fin avril à fin septembre 2023 dans les espaces de la ferme artistique Cyclo-farm de Kerminy.… Les retours d’expériences sont rapportés [entre crochets4D’après les retours d’expérience de participant·es sous forme d’enregistrements audio, de prises de notes, de témoignages oraux, ainsi que de dessins ou écrits de sensations récoltés à l’issue des sessions.] et mêlés à ceux du corps narrateur qui retrace le déroulé d’un atelier fictif. Ou plutôt un méta-atelier qui compile un « training body-mind », une session de « maraîchage-transplantation » puis un atelier de « maraîchage-cueillette ». Ces extraits d’ateliers se sont en fait déroulés lors de sessions distinctes : les transplantations en avril et en mai, les cueillettes de juillet à septembre. Et au début de chaque session, un échauffement proche de celui présenté ici en tant que « training » préparait les corps au maraîchage somatique.
            Dès les ateliers du printemps ont émergé des danses de transplantations. Pour l’été, ces ateliers ont suivi une partition coécrite avec Joanne Clavel pour les ateliers-cueillettes : une guidance5La guidance s’appuie sur des principes d’incorporation de l’approche du Body-Mind Centering intégrés lors de la formation Matières, arts somatiques transmise par Anne Expert et dont je suis l’une des stagiaires en formation depuis 2019. de « cueillette somatique ». Des livrets retracent la partition et décrivent le propos des ateliers; ils sont offerts aux participant·es, avec les légumes récoltés à l’issue des cueillettes collectives.

Les partitions de maraîchage somatique tentent de penser conjointement les gestes de rencontre avec les plantes nourricières et les qualités de gestes qui se cultivent dans les somatiques. Elles tentent une écriture des arts de l’attention envers les vivants.

Les partitions s’explorent lors d’ateliers de pratiques collectives et peut-être sauront-elles aussi se bouturer dans d’autres jardins nourriciers en d’autres saisons…

Ce livret est donc une trace de la partition traversée et une invitation à la réactiver et la diffuser![4]

           

Mon corps pluriel glisse et se laisse transformer par l’écriture, comme mon corps d’artiste maraîchère a pu se transformer au fil des saisons, des cycles, des tâches agricoles. Les épaules et la paume des mains élargies, la peau sous les pieds épaissie.
Mon corps multiple, gorgé des explorations de maraîchage somatique des contributeur·trices à ces danses de transplantations ou de cueillettes, condense, intègre, et partage ici en une écriture polyphonique [des éprouvés pluriels retranscrits entre crochets].

Les exergues écrits en rouge reprennent des éléments de la guidance qui invite les matières des corps à s’éveiller à leur propre qualité au contact des végétaux ou des gestes maraîchers proposés.

La partition s’insère également dans le texte avec la typo du livret, énonçant par fraction ce qui est proposé aux groupes.

            Les participant·es intègrent parfois des performances contributives6Le livret annonce les dates des performances contributives en fin de certains ateliers : « La serre ou le jardin devient une scène et les légumes des partenaires de performance ». En septembre 2025, j’ai par exemple développé, à partir de cette pratique, Show patates, une récolte collective de pommes de terre, à la fois atelier et chorégraphie collective, inscrite dans le programme du festival CAP Danse. quand les ateliers s’ouvrent à des espaces chorégraphiques qui mettent en jeu des corps au travail dans une scène maraîchère.

Training

            Rendez-vous devant le château, face au grand champ. Je dépose mon sac à l’entrée avec une quinzaine d’autres, pas même une bouteille d’eau avec moi, bon.

Je traverse le grand champ, entourée d’autres corps, courte marche jusqu’au deck de pratique pour commencer un échauffement. [L’herbe haute me fait lever les pieds], le matin elle est humide, l’herbe perle sa rosée et le soleil déjà haut me chauffe la nuque [en me poussant jusqu’à l’endroit du training]. Je retire mes chaussures. L’échauffement se fait en lisière de la grande forêt, 35 hectares, ça m’agrandit les yeux de le savoir, [je respire plus profondément, instantanément].

Parfois le training se fait entre les deux serres de culture. Toujours là où est le soleil, s’il est là, [c’est sans doute lui qui dessine le champ de l’échauffement collectif].

La partition dit : – S’échauffer le corps en bougeant les articulations de la tête aux pieds.

Mes genoux, mes coudes dessinent des cercles dans l’air. Mes hanches et mes chevilles tournent avec les poignets et la nuque. Les divers corps autour de moi frottent l’air sans se toucher, puis s’amusent à se frôler en accélérant. L’espace entre mes articulations semble se densifier, comme huilé. L’espace entre les corps se resserre entre nos rires qui émergent. Le groupe naît. [Ça me fait ressentir un grand plaisir, un corps aéré.] [C’est très ludique, cet échauffement me rend joyeux!]

On active le liquide synovial,
liquide articulaire qui s’amplifie
et se densifie par le mouvement.

[La synovie c’est la joie!]
L’espace entre mes doigts, entre mes bras et mon torse, entre mes deux jambes et même celui à l’arrière de mes oreilles ou au creux de ma nuque semble articulé avec l’espace environnant. Je suis bientôt poreuse à la forêt, aux arbres, aux feuilles, aux troncs.

Je traverse la lisière pour prolonger le training en sous-bois avec mon « corps de l’arrière ». J’ai un dos, et plus d’une dizaine de corps de l’arrière avec moi. [Une percée collective où l’on coule vers le monde forestier.] [Mes yeux et mes oreilles semblent s’ouvrir], élargir mon panorama.

Le corps de l’arrière
n’est pas
l’arrière du corps.
Le feuillet arrière correspond à
l’ectoderme (en embryologie)
qui donnera naissance notamment
à mon système nerveux central,
mais aussi à ma peau,
mes yeux, mon nez, mes oreilles…

J’ai l’impression de traverser une épaisseur végétale [pour arriver dans le corps de la forêt], sa lisière, [comme si les pores de ma peau se dilataient] pour accueillir les informations de ce grand organisme boisé.
Justement, mon corps de l’arrière se stabilise près des autres corps dans une sorte de clairière, et je touche mes contours, je trace ma limite intérieure-extérieure en me frottant la peau. Je me masse, je souligne, [je trace ma propre lisière].

La peau, le plus grand organe du
corps, de plusieurs mètres carrés

et ses 3 couches de tissus,
est très innervée.
De nombreux récepteurs sensoriels
font de cette surface d’échange
à la fois un récepteur et un
émetteur, un lien avec
l’extérieur et l’intérieur du corps.

                                   

Me voilà partie à la rencontre d’un épiderme végétal, [la peau du tronc d’un arbre], ou la surface d’une feuille avec ses stomates, les petites bouches qui la font respirer.

Ça me fait souffler sur une feuille [comme si je lui offrais du dioxyde de carbone tout frais]. Je plonge dans l’infiniment petit par contact avec ma paume de main, ma joue. Les pores de ma peau semblent se dilater, comme si je respirais par eux, moi aussi. [Ça me procure une sensation de fraîcheur dans tout le corps.] [Je me sève dans une verticalité qui se distribue à chaque extrémité de mes membres.]

Ma respiration change ma forme : extrémité-centre, périphérie-centre; mes poumons dialoguent avec [mon axe interne renforcé par la puissance des grands troncs qui me regardent par-dessus leur aubier, leur peau].
[Mon axe m’apparaît, me grandit!]
[C’est toujours un peu mystérieux, « mon axe », qu’est-ce qu’on veut dire par là?]
Je sens une ligne qui me fait bouger les épaules, les hanches, replacer mes pieds, étirer la nuque, sentir ma gorge.

Contacter l’axe du devant,
bouche-anus.

Puis l’axe arrière,
base de l’occiput-pointe du coccyx.
Et rencontrer l’axe du milieu,

la colonne douce : pointe de
l’hypophyse (entre les deux yeux,
troisième œil)-centre du périnée.
La colonne douce ou notochorde est
une mémoire dans le corps, une trace de la ligne médiane primitive de l’embryon.

Découverte. Ressentir un espace qui n’est pas un vide, mais [une mémoire, un plein, ça m’aligne].
En lisière interne de la grande forêt, je sens plein de notochordes; tous les yeux autour de moi sont fermés, les corps alignés, détendus, présents. Une grande douceur.

Les cellules du centre de mes
disques vertébraux sont les petites filles de ma notochorde.

Je me sens respirer et [le dialogue périphérie-centre prend une tout autre saveur], voici le centre mieux identifié, [cet axe découvert devient mon nouveau repère].

Cet axe peut devenir le lieu de
référence pour poursuivre la
session.

Je rencontre un autre corps et son axe-colonne douce. Nous formons un duo pour un toucher des poumons. Mon bras droit est massé par ma partenaire avant un toucher cellulaire lobe par lobe, du poumon droit, puis gauche.

Le poumon droit est constitué
de 3 lobes
et le gauche de 2 lobes,
pour laisser la place au cœur, lové entre les 2 poumons.
Le cœur est parfois un peu collé,
on peut inviter les lobes à glisser dans leurs fascias, ce qui permet au cœur de se différencier,
lui ouvrant de l’espace.

Mes lobes sont soutenus par ma partenaire, [elle ne bouge pas ses mains et voilà que ça glisse sous ses doigts], mes poumons prennent de l’ampleur, [puis mon cœur devient immense!]

La partition dit : – Les bras soutenus par le mouvement des poumons voguent dans l’air comme des algues dans l’océan.

La densité de l’air est modifiée. Mes bras y font [des vagues, et ça nous bouge tous·tes ensemble].

Je chauffe mes reins dans mon dos avant de diffuser la chaleur en frottant mes jambes pour marcher.
Mes pieds s’enfoncent de nouveau dans le sol, profondément, en marchant, dès que mes jambes se gorgent de la densité de la lave, venue des reins. Mon corps est celui que je dessinerai : bras poumonnés, jambes de lave.

Les reins viennent du mésoderme,
le corps du milieu,
qui vient donner du volume.
Il me remplit.
Cette matière a la qualité
de la lave.
Les jambes qui ont poussé depuis
mes reins se déplacent,

pleines de cette consistance visqueuse,
plongeante vers la gravité
de la terre.

Je sors de la lisière, marche chaotique en corps double, avant de traverser le grand champ, en duo. Un éclat de lumière, soudain! [Une sensation d’extase dont je me souviendrai longtemps.]

Le grand champ,
l’espace entre deux espaces,
entre deux personnes,
l’espace entre training et
maraîchage somatique.

J’ai les pieds de ma partenaire, aveugle, les yeux bandés, et je suis ses yeux; les yeux d’un grand corps-duo qui nous conduit jusqu’aux serres agricoles.

Jeu, course, voix : ça chante en moi!

Puis le foulard change d’yeux pour traverser la grande serre de maraîchage.

La partition dit : – En duo silencieux.
Une personne, les yeux bandés, est guidée pour une traversée de la grande serre, membrane de cultures végétales, elle sera attentive à l’espace, aux odeurs et à l’ambiance sonore.
L’autre personne guide et, par un léger toucher directionnel, devient soutien pour le voyage.

Une danse improvisée en duo se glisse entre les sons.


Les données météorologiques


en temps réel en divers sons
diffusés

La grande serre est sonifiée.

du grand
paysage
(lumière, température,



humidité,  pression dans l’air, etc.)
sont

traduites

au cœur de la serre.

Percées · L'Extension recherche et création · Installation sonore permanente de Dominique Leroy

Maraîchage-transplantation

            Je suis guidée pour rencontrer une plante par le toucher, toujours en aveugle, en duo.

17 000 capteurs sensoriels directs
dans la paume de la main,
2 500 par cm2.
On parle d’intelligence locale.

Mon cœur a plus d’espace entre les deux poumons qui se sont décollés de sa membrane, [je sens de l’espace grand devant moi] et le cœur ouvert à sa spirale, [je cherche à ne pas être inductive de cette spirale, je lâche l’image et cherche à laisser venir le ressenti].

Je touche la feuille d’une plante inconnue. A-t-elle autant de capteurs que moi à la surface de son épiderme végétal?
Les petits poils de cette plante hérissent ceux de mes bras. J’apprends que c’est une pastèque, un plant dans son godet, j’en suis étonnée, [je n’en ai sans doute rencontré que les fruits].
Je la dépote, et [la spirale des racines me surprend] autant qu’elle confirme le mouvement qui plongera dans le sol. Mes jambes coulent, pleines de viscosités granitiques, elles me plantent les pieds jusqu’au creux de la terre. [Ça libère mes bras poumonnés], tenus depuis les omoplates qui glissent autour de mon axe arrière. Ces grands os plats de mon dos sont alors tout près de mes doigts.

L’axe arrière de la colonne
vertébrale donne le repère aux os

périphériques qui s’appuient
sur sa structure douce.

Mes doigts gorgés d’oxygène guident la jeune plante vers sa transplantation.
Je pense au déménagement.
[Je rencontre le corps de la plante pour la première fois.]
La substance de mes bras, os, muscles est à la fois dense et aérienne.
Je fais un trou dans la terre (avec un transplantoir en bois), y plonge le contenu du godet,
[je sens une spirale s’enfoncer dans le sol, les racines ou mes pieds] qui emmènent mes jambes de lave, ça touche et ça respire dans la terre. Tout de suite. Mes pieds sont nus.
Mes plantes de pieds plantent.
Mes bras et mains caressent l’attention                        

Caresser l’attention,
contacter la qualité cellulaire

[des tiges et feuilles qui s’étirent déjà vers la lumière, d’un coup, fort!]
Je retire le bandeau,
[m’étonne de la petitesse de cette plante]                 pastèque.
J’avais oublié son nom.
D’aussi gros fruits ronds vont-ils vraiment se former à partir de si petites spirales sol-lumière?

Je reste un instant les pieds enfoncés dans le sol, près des plantations, en écoutant le son ambiant, un concentré météorologique mixé à celui des oiseaux et du vent.

Cueillette somatique

La partition dit :

– Rendez-vous à la lisière de la serre, frontière intérieure-extérieure de la serre, dedans-dehors, prenez un instant d’écoute des lieux avant de changer les rôles.
– La personne guidée en aveugle est accompagnée pour rencontrer quelques plantes cultivées par le toucher des feuilles. Varier les textures touchées et observer si le contact modifie votre perception des odeurs.
– On choisit un légume à cueillir. Se frotter les paumes des mains pour en réveiller les capteurs sensoriels.
– Effectuer 3 cueillettes manuelles, en étirant au maximum le temps de votre geste et selon différents focus :
a) yeux clos, b) écoute sonore, c) engagement postural.
Déposer chaque légume dans le panier de récolte. Mélanger les différents focus pour les cueillettes suivantes.

Mon corps est à la fois aéré et dense. Il se laisse emmener dans une marche-découverte d’un espace inédit, sec et chaud.
J’entre avec le groupe dans une sorte de vaisseau d’un autre temps.
Je marche depuis ma peau, mes contours externes et mes oreilles.
[Je sens une forte odeur de paille.]
Mes yeux ont disparu sous un bandeau depuis longtemps.

Rouler les yeux,
déposer les globes oculaires
dans leurs orbites
détend les fascias des yeux
qui se prolongent jusqu’à la pointe
de la colonne vertébrale.

L’espace est un double dôme, oblong, un bitunnel
soutenu par une ligne de fins piliers en son centre.
Un vaisseau aux parois souples.
Posé sur un sol
qui a absorbé presque la moitié de son volume,
il s’enfonce dans la terre souple, moelleuse.
Un vaisseau au féminin, la SlabS.

La serre-laboratoire-scène – SlabS

Mes yeux ne me projettent plus vers l’avant,
mais [vers mon centre, l’arrière du crâne et les sensations sous les pieds].
Des sons, des odeurs puis des touchers se déplient.
Et toujours cette infusion de paille.

Je marche dans un intérieur aux membranes diaphanes.
Elles me séparent du paysage alentour.
À une membrane près, c’est le paysage que fait sonner ce vaisseau,
car il sonne, comme s’il y pleuvait une bruine légère et puissante,
perlant depuis les parois, bien au-dessus de ma tête
et depuis les bordures latérales, arquées.

Des haut-parleurs
centraux diffusent
la transduction sonore
du paysage en temps réel.

Du sol de terre sortent des plantes nourricières et leurs légumes :
tomates, concombres, pastèques, melons, aubergines…
Quelqu’un dit : « J’entends les aubergines pousser! »

Aux sons de la serre se mêle une voix d’hypnose, une guidance
qui m’invite à une cueillette particulière dans la SlabS.
Cueillir en duo, avec une partenaire que je connais depuis la forêt.
Nos frontières dedans-dehors s’étaient diluées
(nos corps en un),
puis clarifiées lors d’un « regard authentique7Le « regard authentique » est un exercice de regards en duo, face à face : une personne adresse son regard à une autre, qui le reçoit (et ne fait que l’accueillir) pendant trois minutes. Puis changement des rôles d’émetteur·trice et de récepteur·trice. Cet exercice est inspiré de la discipline du Mouvement authentique développée par Janet Adler dans les années 1980. Elle inclut la présence d’un·e « observateur·trice témoin », ce qui est un ajout à la technique du Mouvement authentique développée par Mary Starks Whitehouse dans les années 1950 aux États-Unis.»
redessinant nos contours.

Activation de notre système nerveux
autonome : alternativement notre
système nerveux sympathique
(j’adresse mon regard)
puis parasympathique

(j’accueille le regard d’un·e autre).

Je réveille mes capteurs sensoriels en frottant mes mains,
qui instantanément se gorgent de tentacules filaires,
capteurs de la moindre pression dans cet air sonore et sec.
Bientôt, cette pilosité d’antennes envahit tous mes contours,
et me voici,
à chaque pas,
à chaque déplacement,
comme étirée depuis le centre souterrain du vaisseau.
Il me faut me dégager d’une gravité intraterrestre pour me permettre le mouvement.

Progressivement, mes pas s’allègent et je vogue dans la SlabS,
presque en apesanteur cette fois, au rythme de [ma respiration qui se cale sur les sons ambiants];
[ça me fait onduler la colonne, la nuque, le coccyx, le bassin, puis les épaules, bras, jambes,
comme en milieu aquatique].
Et me voici magnétisée vers les légumes à cueillir.

Une attention au toucher,
depuis les capteurs sensoriels,
modifie ma perception des textures.

Mes capteurs sensoriels ont remplacé mes yeux, à présent découverts.
[Je retire mon chapeau de paille, c’était donc lui le parfumeur!]
Je caresse la rondeur des pastèques, lisses et soyeuses,
mais j’en traverse la peau, pourtant épaisse et dure.
[Je sens le parfum des pastèques] comme si mon toucher
les faisait transpirer.
Je peux goûter leur jus, maintenant dilué dans l’air aquatique de la SlabS.
Il pleut.

Mes bras-algues cueillent tout naturellement.
[Le légume m’emmène au son suivant, au fruit suivant], la tomate.

Le rythme ralenti d’une houle dans cet air épais guide chacun de mes gestes.

Ma partenaire réapparaît,
elle devient témoin de ma danse de cueillette,
ça en modifie le rythme, [c’est elle qui fait apparaître ma danse].
Puis je suis témoin de ma partenaire qui va cueillir.

[Être dans la SlabS comme sous une membrane de projecteurs.]

Nos respirations ont dû s’accorder à distance, nous récoltons à l’unisson.
Je vois d’autres duos, et porte tout à coup attention à tous·tes,
à l’écart entre nous,
à nos paniers qui dessinent des repères,
aux espaces entre,
entre les plantes et nos bras d’oxygène
qui remplissent les paniers
de tomates,
de pastèques,
d’aubergines,
de concombres.
[J’accélère le rythme, porté par un groupe joueur] aux vertèbres flottantes.
Je saisis chaque légume, le tourne plusieurs fois jusqu’à ce qu’il cède à sa tige, à son accroche.
Pastèque dans mes mains.

[Une verticalité se rappelle à moi.]
Un langage de mouvements dans les légumes et, bientôt, [je me laisse danser par eux!]

Je porte attention à tous·tes, tous les autres duos, les partenaires végétaux,
et la membrane double tunnel me semble alors pleine d’yeux qui nous observent.
Les corps sont déliés et dansent maintenant en changeant de partenaire.
Les légumes volent de corps en corps comme des éléments en lévitation,
les paniers se remplissent, s’échangent
et migrent jusqu’au panier central,
là où la cueillette collective se noue, où les danses se rassemblent,
où le groupe devient végétal.

La partition dit :
– Vous êtes invité·es à un nouveau type de récolte, celle de vos sensations à dessiner et/ou écrire sur les cartes distribuées.
– Assembler les cartes ensemble au sol. Puis faisons sonner vos mots dans la serre.

La serre réapparaît
comme la réalité globale des choses, au présent.
Ma faculté [à entrer dans une autre dimension du temps]
mérite sans doute d’être cultivée…      

nos ressentis font le réel,

Demain, il s’agira de récolter les melons!

Une danse qui s’insère dans le quotidien.

Compagnonnage entre une artiste et une chercheuse

Terres agricoles : dépasser les clichés du grand air

Si les campagnes ont longtemps foisonné de pratiques artistiques et créatives8Nombre de traditions anthropologiques ont depuis longtemps pensé les danses populaires et festives, y compris celles transmises depuis des temps lointains. En danse contemporaine, on peut citer les recherches au long court de Sylviane Pagès, qui étudie les danses décentrées (voir Fratagnoli et Pagès, 2020); les travaux d’Isabelle Launay (1996), qui développe l’importance des danses païennes agricoles pour repenser la modernité en danse chez Rudolph Laban; ou encore ceux de Victoria Hunter (2019), qui propose une lecture écologique de danses traditionnelles du Royaume-Uni. Il est important de noter que l’« ancrage à la terre » accompagne le projet esthétique de plusieurs artistes, de la fondation de Monte Verità dans le Tessin suisse au tout début du XXe siècle à celle du Black Mountain College en Caroline du Nord aux États-Unis, en passant par la culture du·de la semi-artiste, semi-paysan·ne au Japon, dont le chorégraphe Min Tanaka est l’un des représentants., l’attention portée à ces démarches est plus récente en France, pays de l’ultime centralisation. La crise de la COVID-19 a certainement accentué cet intérêt, bien que la campagne comme horizon désirable arrive derrière l’attrait du rivage9Voir les résultats du sondage Ipsos « Les Français et la mer » de décembre 2023 (autour de 30 % pour la campagne contre 15 % pour une grande ville et seulement 10 % pour la montagne) : www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-12/Synthese-Resultats-enquete-IPSOS-Les-Francais-et-la-mer.pdf. Il s’y passe quelque chose d’autre, qui ne s’explique pas uniquement par l’attraction des lieux – tant du point de vue économique (le coût de la vie est plus bas qu’en ville) que de celui de la naturalité (même si certaines campagnes, exposées de manière récurrente aux pesticides et transformées par les opérations de remembrement, sont dépeuplées de leur biodiversité). C’est un phénomène mineur, certes, mais qui, relié aux enjeux écologiques, semble favoriser une autre façon de faire arts en embrassant des initiatives plus ou moins collectives. Façonner et créer des milieux de vie propices aux pratiques artistiques, c’est faire du quotidien le lieu du politique en arts. Cet ancrage local et territorial est souvent aussi un lieu d’accueil et de circulation pour des artistes d’ici et d’ailleurs. Ancrage terrestre s’accordant à différentes échelles, il permet de penser la régénération de l’art et de la vie comme une nourriture trophique, poétique et existentielle.

Dans un article récent étudiant les liens entre campagnes, arts et écologies, Réjane Sourisseau entame un travail de déconstruction discursive des diagonales du vide10Expression géographique et péjorative utilisée dans les institutions françaises (comme la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) pour désigner une partie du territoire allant de la Meuse aux Landes – parfois décrite des Ardennes aux Pyrénées – caractérisée par une faible densité de populations humaines. Cette inquiétude du « vide » démographique territorial, née au XIXe siècle face aux enjeux de métropolisation accompagnant l’exode rural, persiste tout au long du XXe siècle. ou encore d’une « sédentarité immuable » (2022 : 8) du·de la paysan·ne à sa terre. Elle souligne également l’importance de ce qu’elle nomme le « mythe agraire » (idem), envisagé comme alternative à la société capitaliste, alternative interrogée dans sa matérialité à travers l’enquête de Geneviève Pruvost dans Quotidien politique : féminisme, écologie et subsistance (2021), ou plus modestement dans celle que j’ai menée avec Violeta Salvatierra García de Quirós (2023) dans le Limousin face au retour des loups. Cette dernière étude décrit l’invention d’une culture du don des gestes et des solidarités ancrées dans un paysage politique militant pour inventer des voies de cohabitation multiespèces.

Il s’agit, en effet, de commencer par déconstruire le mythe de « la campagne refuge » pour en révéler les « pauvretés silencieuses », la disparition plus rapide qu’ailleurs des services publics, les condescendances récurrentes vis-à-vis de la « province » (Rousseau, 2024) et du phénomène galopant de gentrification11Le phénomène de gentrification est un processus sociospatial lié à l’arrivée sur un territoire de nouvelles populations mieux dotées en capital économique, culturel et social au détriment des populations déjà installées, souvent exclues. Si le phénomène est largement documenté en milieu urbain, la gentrification rurale accueille une plus grande diversité de profils sociaux, incluant notamment des populations fragiles en quête de refuge et des populations politisées à la recherche de modes de vie alternatifs, souvent qualifiés d’« écologiques ». Le capital culturel, et non économique, tient un rôle phare dans ce phénomène et les artistes en sont des acteur·trices dynamiques (Tommasi, 2018)., et pour souligner que cet espace, loin d’être homogène, est aussi celui où coexiste une forte hétérogénéité des modes d’habiter la terre.

Fermes culturelles

J’ai rencontré Marina Pirot en 2017, lors d’un stage de Body Weather avec Christine Quoiraud à Montpellier12J’ai également rencontré Bleuène Madelaine, qui a repris la ferme et la fromagerie caprine familiales et y a installé sa compagnie Rouge Aniline : rougeaniline.wordpress.com/compagnie/. Cette dernière a dansé dans la compagnie Maï-Juku de Min Tanaka et travaillé dans sa ferme, située dans la préfecture de Yamanashi au Japon13Christine Quoiraud, artiste chorégraphique « majeure des marges », pourrait-on dire, a travaillé comme danseuse fermière avec Min Tanaka dans les années 1990 avant de revenir en France et de développer son propre projet chorégraphique, basé sur les marches artistiques. Elle perpétue également la transmission du Body Weather, qu’elle enrichit peu à peu par d’autres techniques somatiques telles que le Body-Mind Centering. Sa démarche de corps-paysage impulse une nouvelle génération de performeur·euses qui travaillent avec les sites, à l’écoute des lieux, voire parfois pour soigner les lieux.. Sympathisant rapidement avec Marina, j’ai suivi l’évolution de son travail artistique : son duo avec l’artiste sonore et amoureux Dominique Leroy, l’installation de leur ferme culturelle en Bretagne après maints rebondissements, ainsi que sa formation agricole – d’abord en maraîchage, puis en arboriculture, et plus récemment tournée vers les animaux à travers l’écopâturage et la traction animale avec deux ânes, Capris et Riley.

Marina et Dom font vivre un lieu d’accueil pour les arts, directement inspiré du Performing Arts Forum14Voir www.pa-f.net/. Kerminy et PAF font partie du réseau PAN Forum. (PAF) à Saint-Erme. Il s’agit d’un lieu autogéré où l’on peut s’entraîner, créer, s’inspirer et rencontrer des artistes d’ici et d’ailleurs pour qui l’implication sociale et politique, souhaitée ou subie, n’a pu échapper aux modalités de faire arts autrement. Pour Marina et Dom, la dimension agricole est essentielle; elle s’est d’ailleurs affirmée lors d’un voyage en Californie15La Californie est aussi un espace-temps qui nous rapproche, Marina et moi : j’ai habité un peu plus de deux ans à Berkeley, ma fille y est née, et j’ai beaucoup appris de cette expérience., sur les traces de la permaculture, grâce à la rencontre décisive avec Micky Murch, un artiste maraîcher surfeur de Bolinas16www.yelp.com/biz_photos/gospel-flat-farm-bolinas?start=0; www.youtube.com/watch?v=46S5j0MleNI. Celui-ci fait de son geste agricole un geste artistique, et réciproquement. Depuis de nombreuses années, son site de vente directe de légumes est aussi un lieu d’exposition d’art contemporain.

Ainsi, sur différents territoires et selon des modalités variables, s’inventent des fermes culturelles où, comme à la Mhotte, le projet social s’invente « au croisement du pédagogique, des arts et de l’artisanat, de l’agriculture et du social » (Ferme de la Mhotte, s.d.). Certains endroits, comme Larret17www.larret.org/ en Dordogne, deviennent aussi des ressources pour les pratiques somatiques et le contact improvisation. Ces lieux, où s’enchevêtrent des pratiques artistiques et agricoles18Citons également, en Seine-Saint-Denis, le « parti poétique » fondé par le plasticien Olivier Darné : www.parti-poetique.org/, sont plus ou moins visibles19Une partie de ces lieux se tient volontairement à l’écart du Web et des réseaux; je pense notamment au lieu qui m’a accueillie avec et grâce à l’artiste Camille Renarhd en 2018. et accompagnent d’autres tiers-lieux qui font vivre les arts en milieu rural20Me viennent à l’esprit Traverse à Bagnères-de-Bigorre (traversiens.com/), le projet La Petite Forêt, porté par les ateliers bermuda dans l’Ain (www.bermuda-ateliers.com/), et enfin les ateliers du milieu en Haute-Marne portés (entre autres) par la chorégraphe Clara Cornil (www.lesateliersdumilieu.com/)..

Semer des gestes écosomatiques

Dès les années 1980 s’opère une artificialisation galopante des sols agricoles, opposant à la fertilité de la nature et à sa productivité régénérative l’industrialisation agricole et la spéculation foncière. Depuis mes humbles expérimentations dans un potager savoyard, entamées il y a quinze ans, j’explore des manières de documenter et de penser les gestes à travers des pensées-pratiques écosomatiques (Bardet, Clavel et Ginot, 2019). Celles-ci relèvent d’un contre-modèle de corps tenant dans un seul agencement les liens réciproques entre corps, esprits et milieux afin de politiser les gestes, y compris les plus quotidiens. C’est toujours à partir de situations singulières que des artistes, chercheur·euses, activistes, paysan·nes et autres travailleur·euses lié·es aux processus vivants pensent, sentent et agissent. Cette culture des gestes, nourrie de perspectives croisées – entre pratiques somatiques, socioécologiques et féministes –, permet d’accorder une place centrale aux connaissances expérientielles, à la mémoire des corps, aux désirs, aux rêves et aux tacites qui dépassent nos intentions.

Les gestes sont le topos de l’action sur/avec/pour les autres (êtres humains et autres qu’humains). Ainsi s’agencent des emboîtements d’échelles, d’intégrations et d’interdépendances : le milieu que je suis pour d’autres21Altérités humaines et autres qu’humaines sans qui je ne pourrais vivre. Donna J. Haraway propose le terme « sympoïèse » (2020 [2016]) à partir des travaux sur l’autopoïèse d’Humberto R. Maturana et Francisco J. Varela (1980 [1972]). Elle appuie ainsi les aspects d’intra-actions réciproques avec les milieux et d’autres entités., les milieux que je partage avec d’autres, et les milieux des autres que j’atteins – voire que j’altère – par mes gestes, le plus souvent à mon insu. Si les somatiques sont pleines de promesses pour « prendre conscience par le mouvement22En référence à la méthode Feldenkrais, et plus largement au pouvoir performatif des gestes en contexte écocidaire. Cette citation est issue de l’introduction à la journée d’étude Ce que peut la danse I : écosomatiques, gestes et communautés : www.cnd.fr/fr/program/4515-ce-que-peut-la-danse-i-ecosomatiques-gestes-et-communautes. Pour écouter l’introduction : stratus.kerminy.org/index.php/s/M6DPmPZnCAsqPpK » (Soma & Po, 2024) de nos gestes – et ainsi déconstruire les normes sociales afin de mener à d’autres explorations performatives et émancipatrices23Par exemple, les pratiques somatiques ont participé à construire d’autres façons de performer le genre (Preciado, 2008; Bardet, 2020b)., à d’autres manières d’être vivant·e –, qu’en est-il des questions écologiques? Qu’en est-il lorsque ces gestes altèrent aussi d’autres vies, d’ici et d’ailleurs?

Posées ainsi, les problématiques écologiques deviennent des enjeux sociaux et décoloniaux. L’agriculture constitue l’un des nœuds majeurs d’un devenir écologique – ou devenir terrestre –, à la fois parce que les agriculteur·trices organisent et agencent la base de notre alimentation collective, et parce qu’il·elles façonnent les milieux sur près de la moitié du territoire français. Or le type d’agriculture promu – intensif et tourné vers l’exportation – ruine depuis longtemps les agricultures traditionnelles et de subsistance d’ici et d’ailleurs. Les paysages, les autres qu’humains et les imaginaires sont ainsi affectés par différentes échelles d’action : selon les espèces cultivées, les techniques de culture, les formes de transformation alimentaire et la manière dont les productions s’insèrent dans des réseaux de distribution plus ou moins localisés ou globalisés.

En ce sens, les gestes agricoles sont toujours plus que de simples actes techniques : ils constituent aussi des propositions de rythmes, d’accords et de relations aux milieux et aux autres vivants – domestiqués ou sauvages. Les gestes agricoles et nourriciers sont profondément politiques : ils incarnent des manières d’habiter la terre, de s’organiser collectivement et de relier nos existences. Dans son commentaire des textes de l’agronome André-Georges Haudricourt (1962), Marie Bardet invitait d’ailleurs à relier les matérialités et les subjectivités – y compris spirituelles – pour « faire des mondes avec des gestes » (2020a). Elle appelait ainsi à relier des gestes agricoles concrets – semer du blé ou piquer du riz – avec des modalités d’habiter la terre et de se relier au milieu.

Partitions : documenter les pratiques, inviter à l’expérience

Formée comme flûtiste, j’ai longtemps associé la partition à la musique, où la liberté d’interprétation d’un morceau reste plus ou moins restreinte. Je précise « plus ou moins », car la place laissée à l’écriture de l’interprète peut être majeure, comme c’est le cas dans les estampies médiévales, où chaque diminution relève de la composition ou de l’improvisation instantanée de l’auteur·trice24Comme l’ensemble de la musique profane de l’époque, la transmission est orale. Les traces écrites, telles que les partitions, relèvent donc de l’hybridité des temps : à partir de quelques fragments parvenus jusqu’à nous et de témoignages écrits, se recomposent un jeu, un imaginaire et une performance; ainsi, une musique.. En danse, on m’enseigne des « déroulés », mais l’usage du terme « partition » n’arrivera que bien plus tard, notamment par le biais de mes recherches et pratiques auprès d’Anna Halprin. Celle-ci entreprend, dans les années 1950, une refonte du rôle de chorégraphe : la technique dansée part des sensations et des connaissances somatiques, et la composition chorégraphique crée des situations dans lesquelles les interprètes doivent accomplir des tâches de mouvements qui leur sont propres. En 2013, Anna me transmet la partition de sa Planetary Dance (1981), que j’ai auparavant dansée dans trois contextes différents. Quelques années plus tard, j’entreprends des recherches sur son histoire. Cette danse est née en 1981, et le design de sa notation a été transformé au fil du temps dans l’optique d’une large transmission posant des questions de scalabilité (Clavel, Noûs et Perrin, 2020; Clavel et Noûs, 2020).

Julie Sermon distingue dans les arts performatifs quatre grandes catégories d’usages des partitions. Elle propose de nommer « partitions-modèles » (2016 : 45) celles basées sur un rapport direct au modèle musical de la partition orchestrale, dont l’hégémonie et l’influence sur les arts performatifs sont intenses dès le XIXe siècle. Il y a également les « partitions-instructions » (idem), basées sur un rapport à l’action et au déroulé des performances mettant l’accent sur les processus créatifs, et dont l’essor parcourt tout le XXe siècle. Les « partitions-matrices » (idem) sont celles qui s’émancipent de la notation et où tout objet (visuel, textuel, sonore…) peut obtenir le statut d’instruction, et donc in fine de partition, dans une optique de production déhiérarchisée. Enfin, la « partition invisible » (idem) est élaborée à partir des interprètes, de leur jeu ou encore de leur performance. De son côté, Julie Perrin (2019) floute ces dernières catégories à partir des enjeux perceptifs de la réciprocité des relations entre l’individu et son environnement25Dans l’un des textes qu’elle signe au sujet de Mathias Poisson et d’Alain Michard, Julie Perrin propose « l’expression “composer la ville” [, qui] […] ne renvoie pas seulement aux constructions en interaction avec la situation urbaine que l’œuvre propose aux participants, mais bien aussi à la façon dont l’œuvre, plus largement, est sous-tendue par des pratiques (artistiques) d’observation donnant forme à la ville (ramper selon des règles particulières, explorer les yeux fermés, récolter des éléments du lieu, dessiner de mémoire, chanter la ligne d’horizon…). Ces pratiques sont déjà, dans la plupart des cas, partitionnelles » (Perrin, 2019 : 170).. En effet, pour comprendre la construction des situations, il est important de considérer conjointement « [l]es processus où se tissent pratiques et structurations de l’œuvre (praxis et poièsis) : de prendre la mesure de la portée compositionnelle des pratiques mêmes » (Perrin, 2019 : 170). La lecture écologique de Perrin souligne l’importance des processus artistiques, tant sur la partition que sur l’œuvre, et met en avant la réciprocité des pratiques qui composent et transforment constamment ce qui est donné à voir, à sentir et à penser.

Bien loin des enjeux artistiques, j’ai commencé à explorer la partition comme documentation des gestes agricoles entre 2014 et 2015. Ainsi détournée, la partition devient un instrument méthodologique sans visée performative. Après notre rencontre, Lucile Wittersheim et moi avons essayé d’intégrer cette démarche à son travail ethnographique auprès de maraîcher·ères seine-et-marnais·es à l’automne 2015. En choisissant de rendre compte de gestes de récolte par un système de notations – de rythmes et de mouvements –, nous avons ainsi figuré par une forêt de symboles la rencontre entre légumes et maraîcher·ères. Cette partition graphique nous a permis d’analyser les gestes observés et vécus en tentant d’échapper (un court instant) au langage verbal et à l’expression sémantique pour comprendre la rencontre des corps humains et autres qu’humains. L’expérience de la récolte de vingt cultivars différents a permis d’élaborer autant de partitions. La comparaison entre geste expert et geste novice a été possible pour huit légumes – haricots, tomates cerises, choux, épinards, navets, betteraves, radis noirs et radis roses –, ce qui a permis la création de huit partitions à double voix. En 2021, nous avons confié à Dom l’écriture numérique des partitions artisanales finalisées par Lucile, dans l’optique d’une conférence à Blois sur les arts sonores26Colloque international Unheard Landscapes: Listening, Resonating, Inhabiting (2021). (2021). Cette étude mènera à l’élaboration de quatre catégories de plantes, rassemblées selon des gestes maraîchers de récolte, telle une ethnobotanique incarnée comme l’appelait déjà de ses vœux Haudricourt. Nous avons également décrit trois modalités d’attention du geste maraîcher qui nourrissent le mouvement, trois états de corps identifiables en matière de qualité gestuelle et qui invitent différemment à la rencontre avec l’altérité végétale (Clavel et Wittersheim, 2023).

***

Début 2023, Marina et moi décidons de collaborer pour créer des partitions de récoltes en lien avec les écosomatiques, qu’elle offrira lors d’ateliers participatifs à Kerminy. Marina a, de son côté, entrepris un travail partitionnel en lien avec son activité de maraîchage, qu’elle a également transmis lors de workshops à des étudiant·es de l’École de design Nantes Atlantique (mars 2021) et de l’École européenne supérieure d’art de Bretagne – site de Brest (avril 2022). D’emblée, il ne s’agit plus de documenter des gestes agricoles, mais d’inviter à l’expérience et au partage de gestes de récolte. Nous nous réunissons chaque mois pour discuter de cette fabrique, et les moutures seront modifiées au cours de l’atelier inaugural de la saison maraîchère 2023. Ainsi, nous proposons des consignes de tâches simples qui seront, lors de l’atelier, suivies d’explorations somatiques issues du Body-Mind Centering et guidées vocalement par Marina. Nous travaillons également à préciser les images et les métaphores qui accompagneront ce guidage oral. Elles sont essentielles pour l’imaginaire des gestes et les états de corps qui en découlent. Elles seront teintées de laminaires mises en mouvement par le ressac. En effet, Rosporden est située à quelques kilomètres du rivage, et les sols pauvres de la région ont depuis très longtemps été amendés par la récolte des laisses de mer organiques, composées entre autres de laminaires. Cet imaginaire fonctionnel de l’agriculture du littoral est renforcé par mes travaux avec les plages vivantes27Programme « Plages vivantes – humanités écologiques », en collaboration avec la station marine de Concarneau et le Muséum national d’Histoire naturelle. et ce que laisse la mer (Clavel, Levain et Revelin, 2024), mais aussi par la recherche d’une qualité de geste bien particulière, où l’on se sent mu·e par autre chose qu’une intentionnalité. Puis nous précisons le contexte des espaces : la forêt pour s’échauffer; les traversées en aveugle pour trouver une qualité de geste que nous pourrions qualifier de porosité au milieu; la serre pour rencontrer les végétaux et récolter les légumes; la prairie pour échanger au sujet de l’expérience vécue et pour s’offrir en cadeau les dessins28Le dessin comme pratique sensible documentant l’expérience vécue est très importante chez Anna Halprin et accompagne la plupart des ateliers que je propose. qui en ont émergé.

À chaque saison, ces danses végétales en multicorps remodèlent le paysage intérieur et le paysage extérieur. La danse de maraîchage écosomatique (saison 2023), multiple, avec son infinité de membres, de cœurs, de liquides, d’oreilles, de doigts, de capteurs, d’émetteurs, de ressentis et de matières en transformation permanente, a tenté de s’écrire ici. Que les partitions expérimentées à Kerminy se bouturent dans vos jardins et fermes de cultures nourricières!

Légendes des figures

Figure 1 : Livrets de partition « Maraîchage somatique : cueillette été 2023 », créés par Joanne Clavel et Marina Pirot. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 2 : Grande page centrale du livret de partition « Maraîchage somatique : cueillette été 2023 ». Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 3 : L’herbe du grand champ, rosée d’un matin de juin. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 4 : Training collectif entre les deux serres, avec le groupe Relais Culture Europe. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 5 : Épiderme végétal d’une feuille de misère (Tradescantia zebrina) observée par épiscopie. La pigmentation violette des cellules disparaît au niveau des pores microscopiques (les petites « bouches », ici en vert), appelés « stomates », qui varient leurs ouvertures en fonction de facteurs environnementaux (luminosité, température, hygrométrie). Ils permettent de capter le dioxyde de carbone et de rejeter l’oxygène dans l’air ambiant tout en régulant les déperditions d’eau. 2019. Photographie de Frédéric Labaune.

Figure 6 : Bras poumonnés, jambes de lave, dessin de l’atelier de cueillette somatique du 16 août. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Dessin d’une personne participante.

Figure 7 : Traversée de la grande serre en duo lors de l’atelier de transplantation somatique du 23 mai, avec le groupe Relais Culture Europe. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 8 : Ateliers de maraîchage écosomatique de la saison 2023. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographies de Marina Pirot.

Figure 9 : Dépotage, par une participante, dans la grande serre lors de l’atelier de transplantation somatique du 26 mai. Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 10 : Shop de bord de route (24 h/24, prix libre). Cyclo-farm, Kerminy, Rosporden (France), 2023. Photographie de Marina Pirot.

Figure 11 : Partition gestuelle à deux voix reliant l’analyse rythmique à une notation graphique de ressentis proprioceptifs : en haut, une « novice »; en bas, une « maraichère » qui informe sur les variations de gestes possibles selon l’expérience de la personne pratiquant. Numérisation de Dominique Leroy.

Notes
  • 1
    Captation de l’installation sonore permanente de Dominique Leroy. Cyclo-farm, Kerminy, Ropsorden (France), 2023. Captation sonore de Bastien Gallet.
  • 2
    Kerminy (kerminy.org/) est un lieu fondé en 2020 par le duo artistique (n) (n.kerminy.org), que je forme avec Dominique Leroy. Nous y impulsons des associations complémentaires avec Open (open.kerminy.org), Écosoma (ecosoma.kerminy.org/wiki/a_propos), Cyclo-farm (cyclo-farm.kerminy.org/start) et Miny-Hack (minyhack.kerminy.org), pour l’acquisition du domaine patrimonial de 12,5 hectares à Rosporden, Finistère, France.
  • 3
    Douze ateliers menés de fin avril à fin septembre 2023 dans les espaces de la ferme artistique Cyclo-farm de Kerminy.
  • 4
    D’après les retours d’expérience de participant·es sous forme d’enregistrements audio, de prises de notes, de témoignages oraux, ainsi que de dessins ou écrits de sensations récoltés à l’issue des sessions.
  • 5
    La guidance s’appuie sur des principes d’incorporation de l’approche du Body-Mind Centering intégrés lors de la formation Matières, arts somatiques transmise par Anne Expert et dont je suis l’une des stagiaires en formation depuis 2019.
  • 6
    Le livret annonce les dates des performances contributives en fin de certains ateliers : « La serre ou le jardin devient une scène et les légumes des partenaires de performance ». En septembre 2025, j’ai par exemple développé, à partir de cette pratique, Show patates, une récolte collective de pommes de terre, à la fois atelier et chorégraphie collective, inscrite dans le programme du festival CAP Danse.
  • 7
    Le « regard authentique » est un exercice de regards en duo, face à face : une personne adresse son regard à une autre, qui le reçoit (et ne fait que l’accueillir) pendant trois minutes. Puis changement des rôles d’émetteur·trice et de récepteur·trice. Cet exercice est inspiré de la discipline du Mouvement authentique développée par Janet Adler dans les années 1980. Elle inclut la présence d’un·e « observateur·trice témoin », ce qui est un ajout à la technique du Mouvement authentique développée par Mary Starks Whitehouse dans les années 1950 aux États-Unis.
  • 8
    Nombre de traditions anthropologiques ont depuis longtemps pensé les danses populaires et festives, y compris celles transmises depuis des temps lointains. En danse contemporaine, on peut citer les recherches au long court de Sylviane Pagès, qui étudie les danses décentrées (voir Fratagnoli et Pagès, 2020); les travaux d’Isabelle Launay (1996), qui développe l’importance des danses païennes agricoles pour repenser la modernité en danse chez Rudolph Laban; ou encore ceux de Victoria Hunter (2019), qui propose une lecture écologique de danses traditionnelles du Royaume-Uni. Il est important de noter que l’« ancrage à la terre » accompagne le projet esthétique de plusieurs artistes, de la fondation de Monte Verità dans le Tessin suisse au tout début du XXe siècle à celle du Black Mountain College en Caroline du Nord aux États-Unis, en passant par la culture du·de la semi-artiste, semi-paysan·ne au Japon, dont le chorégraphe Min Tanaka est l’un des représentants.
  • 9
    Voir les résultats du sondage Ipsos « Les Français et la mer » de décembre 2023 (autour de 30 % pour la campagne contre 15 % pour une grande ville et seulement 10 % pour la montagne) : www.debatpublic.fr/sites/default/files/2023-12/Synthese-Resultats-enquete-IPSOS-Les-Francais-et-la-mer.pdf
  • 10
    Expression géographique et péjorative utilisée dans les institutions françaises (comme la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale) pour désigner une partie du territoire allant de la Meuse aux Landes – parfois décrite des Ardennes aux Pyrénées – caractérisée par une faible densité de populations humaines. Cette inquiétude du « vide » démographique territorial, née au XIXe siècle face aux enjeux de métropolisation accompagnant l’exode rural, persiste tout au long du XXe siècle.
  • 11
    Le phénomène de gentrification est un processus sociospatial lié à l’arrivée sur un territoire de nouvelles populations mieux dotées en capital économique, culturel et social au détriment des populations déjà installées, souvent exclues. Si le phénomène est largement documenté en milieu urbain, la gentrification rurale accueille une plus grande diversité de profils sociaux, incluant notamment des populations fragiles en quête de refuge et des populations politisées à la recherche de modes de vie alternatifs, souvent qualifiés d’« écologiques ». Le capital culturel, et non économique, tient un rôle phare dans ce phénomène et les artistes en sont des acteur·trices dynamiques (Tommasi, 2018).
  • 12
    J’ai également rencontré Bleuène Madelaine, qui a repris la ferme et la fromagerie caprine familiales et y a installé sa compagnie Rouge Aniline : rougeaniline.wordpress.com/compagnie/
  • 13
    Christine Quoiraud, artiste chorégraphique « majeure des marges », pourrait-on dire, a travaillé comme danseuse fermière avec Min Tanaka dans les années 1990 avant de revenir en France et de développer son propre projet chorégraphique, basé sur les marches artistiques. Elle perpétue également la transmission du Body Weather, qu’elle enrichit peu à peu par d’autres techniques somatiques telles que le Body-Mind Centering. Sa démarche de corps-paysage impulse une nouvelle génération de performeur·euses qui travaillent avec les sites, à l’écoute des lieux, voire parfois pour soigner les lieux.
  • 14
    Voir www.pa-f.net/. Kerminy et PAF font partie du réseau PAN Forum.
  • 15
    La Californie est aussi un espace-temps qui nous rapproche, Marina et moi : j’ai habité un peu plus de deux ans à Berkeley, ma fille y est née, et j’ai beaucoup appris de cette expérience.
  • 16
  • 17
  • 18
    Citons également, en Seine-Saint-Denis, le « parti poétique » fondé par le plasticien Olivier Darné : www.parti-poetique.org/
  • 19
    Une partie de ces lieux se tient volontairement à l’écart du Web et des réseaux; je pense notamment au lieu qui m’a accueillie avec et grâce à l’artiste Camille Renarhd en 2018.
  • 20
    Me viennent à l’esprit Traverse à Bagnères-de-Bigorre (traversiens.com/), le projet La Petite Forêt, porté par les ateliers bermuda dans l’Ain (www.bermuda-ateliers.com/), et enfin les ateliers du milieu en Haute-Marne portés (entre autres) par la chorégraphe Clara Cornil (www.lesateliersdumilieu.com/).
  • 21
    Altérités humaines et autres qu’humaines sans qui je ne pourrais vivre. Donna J. Haraway propose le terme « sympoïèse » (2020 [2016]) à partir des travaux sur l’autopoïèse d’Humberto R. Maturana et Francisco J. Varela (1980 [1972]). Elle appuie ainsi les aspects d’intra-actions réciproques avec les milieux et d’autres entités.
  • 22
    En référence à la méthode Feldenkrais, et plus largement au pouvoir performatif des gestes en contexte écocidaire. Cette citation est issue de l’introduction à la journée d’étude Ce que peut la danse I : écosomatiques, gestes et communautés : www.cnd.fr/fr/program/4515-ce-que-peut-la-danse-i-ecosomatiques-gestes-et-communautes. Pour écouter l’introduction : stratus.kerminy.org/index.php/s/M6DPmPZnCAsqPpK
  • 23
    Par exemple, les pratiques somatiques ont participé à construire d’autres façons de performer le genre (Preciado, 2008; Bardet, 2020b).
  • 24
    Comme l’ensemble de la musique profane de l’époque, la transmission est orale. Les traces écrites, telles que les partitions, relèvent donc de l’hybridité des temps : à partir de quelques fragments parvenus jusqu’à nous et de témoignages écrits, se recomposent un jeu, un imaginaire et une performance; ainsi, une musique.
  • 25
    Dans l’un des textes qu’elle signe au sujet de Mathias Poisson et d’Alain Michard, Julie Perrin propose « l’expression “composer la ville” [, qui] […] ne renvoie pas seulement aux constructions en interaction avec la situation urbaine que l’œuvre propose aux participants, mais bien aussi à la façon dont l’œuvre, plus largement, est sous-tendue par des pratiques (artistiques) d’observation donnant forme à la ville (ramper selon des règles particulières, explorer les yeux fermés, récolter des éléments du lieu, dessiner de mémoire, chanter la ligne d’horizon…). Ces pratiques sont déjà, dans la plupart des cas, partitionnelles » (Perrin, 2019 : 170).
  • 26
    Colloque international Unheard Landscapes: Listening, Resonating, Inhabiting (2021).
  • 27
    Programme « Plages vivantes – humanités écologiques », en collaboration avec la station marine de Concarneau et le Muséum national d’Histoire naturelle.
  • 28
    Le dessin comme pratique sensible documentant l’expérience vécue est très importante chez Anna Halprin et accompagne la plupart des ateliers que je propose.
Bibliographie

BARDET, Marie (2020a), « Faire des mondes avec des gestes, à partir de Des gestes et techniques d’Haudricourt », communication donnée dans le cadre du séminaire Spatialités des vivants : du geste intime aux façonnages des milieux, Amphithéâtre Alan Turing, bâtiment Sophie Germain, Paris, 22 janvier.

BARDET, Marie (2020b), « ¿Cómo def-hendirse en un hueco, en cuero y en el culo (del mundo)? Lecturas des-ubicadas y calientes », dans Martín De Mauro Rucovsky et Bryan Axt (dir.), Metafísicas Sexuales: canibalismo y devoración de Paul B. Preciado en América Latina, Barcelone; Madrid, Egales, p. 241-254.

BARDET, Marie, Joanne CLAVEL et Isabelle GINOT (dir.) (2019), Écosomatiques : penser l’écologie depuis le geste, Montpellier, Deuxième époque, « Essais ».

CLAVEL, Joanne et Camille NOÛS (2020), « Planetary Dance d’Anna Halprin : étoile d’une constellation kinesthésique et écologique », Techniques & culture, supplément au no 74, journals.openedition.org/tc/14728

CLAVEL, Joanne et Violeta SALVATIERRA GARCÍA DE QUIRÓS (2023), « Explorations somatiques multiespèces et pratiques du collectif avec la montagne limousine », Chimères, no 103, p. 149-162.

CLAVEL, Joanne et Lucile WITTERSHEIM (2023), « Gestes sonores : enquête au cœur de la récolte maraîchère », dans Olivier Gaudin et al. (dir.), Unheard Landscapes: Listening, Resonating, Inhabiting, actes du colloque de Blois du 27 au 30 octobre 2021, Giulianova, Galaad Edizioni, « Soundscapes », p. 121-135.

CLAVEL, Joanne, Alix LEVAIN et Florence REVELIN (dir.) (2024), Des vies avec des plages : expériences, relations, devenirs, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Espace et territoires ».

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