La performance, le bricolage électronique, numérique et mécanique ainsi que le désir de manier et de déjouer les usages des objets sont au cœur de ce qui se joue dans la pratique des membres du Théâtre Rude Ingénierie (TRI). Le trio d’artistes, constitué de Bruno Bouchard, Philippe Lessard-Drolet et Pascal Robitaille, s’est rencontré quelque part1 dans les années 2000 et s’est rassemblé autour d’obsessions communes : le désir de se mettre à l’écoute des objets et la nécessité de créer à la lisière des disciplines.
Les œuvres du TRI, et implicitement leurs processus de création, foisonnent d’objets et d’artéfacts dont la nature est aussi variée que les usages qu’ils en font. Ou plutôt des usages qui leur sont dictés par l’expérience intensive de côtoyer ces objets, de se mettre à l’écoute de leurs comportements et de « faire avec », pour reprendre une expression évoquée par les artistes. L’utilisation d’objets du quotidien (microphone, malaxeur, robot, couteau électrique, poulies, miroirs, aquarium, caméra, etc.) et leurs réassemblages, par les voies de la robotisation, de la mécanisation et de l’automation, sont au cœur du vocabulaire du TRI. Si ces objets, qui produisent des mouvements et des sons inédits, font œuvre lors des représentations, ce sont ces mêmes matériaux qui collaborent à la création et qui dictent, partiellement, les temporalités et les orientations du processus. Par itération, par écoute, par essai et par ricochet, l’œuvre en fabrication avance au rythme de ce que les matériaux dévoilent progressivement. Le travail des artistes consiste, entre autres, à écouter pour voir, à observer pour faire, à laisser faire pour que les choses parlent autrement et d’elles-mêmes et à organiser minutieusement les interactions entre ces machines et les artistes sur scène.
Ce texte, qui se construit à partir et autour de la parole des artistes2, se veut en quelque sorte le témoin d’une réflexion itérative menée par et avec les membres de la compagnie lors de nos rencontres. Les dialogues qui ont construit tant nos échanges que cette présente partition ont pour intention de mieux comprendre, de l’intérieur, leur geste de création. J’envisage cette réflexion comme un moyen de me mettre à l’écoute d’une pratique artistique, où le partage, la déhiérarchisation des présences et la convivialité dictent des manières de faire. Ici, il ne s’agit pas de produire une analyse, au sens strict, des processus de création chez le TRI, mais plutôt de rendre compte de ceux-ci avec bienveillance et curiosité, à partir et au travers de la parole des artistes concernés. Plutôt que de considérer ces pages comme un espace transitoire où mon rôle serait de médier la parole des artistes, je préfère revendiquer une posture doublement située, soit celle de la spectatrice qui a eu l’opportunité d’habiter l’espace de la confidence. C’est la raison pour laquelle je fais une tentative, celle de penser avec et aux côtés des artistes pour toujours demeurer, en quelque sorte, une spectatrice curieuse, engagée et près de ce qui est dit et fait.
Une question m’habite chaque fois que j’ai l’opportunité d’assister à une œuvre du TRI : Qu’est-ce que les objets nous font? Je conserve le souvenir d’une maquette miniaturisée du parc d’attractions de Coney Island dans le spectacle Dreamland. Elle abrite des centaines de mécaniques miniatures (microphones disposés sur une plateforme pneumatique, roues de vélo en mouvement qui produisent des sonorités, un capteur sonore disposé sur la circonférence d’un verre de vin tournoyant, etc.). Tandis que je flâne, sur scène et parmi le public, des performeur·euses activent des dizaines de petites performances anodines et machiniques qui sont filmées et retransmises sur des écrans suspendus au-dessus de la scène. Sur le mode de la fête foraine, les minuscules surprises mécaniques s’activent au fil des interventions humaines : les machines produisent des partitions sonores et initient des mouvements dramaturgiques. Ces objets s’extraient d’un régime d’usage par les voies de l’imaginaire pour créer de nouvelles logiques proprement scéniques.
La réponse à ma question initiale se tient probablement dans cette tension entre la quotidienneté des objets utilisés et leurs détournements ingénieux qui, ensemble, produisent de nouvelles possibilités, de « nouveaux types de relation à la vie » (BB, E2 : 34)3. En donnant à voir la vie secrète des objets, les artistes posent leur attention sur ce qui se trame quand on observe mieux, quand on intervient moins, quand faire dramaturgie ne se joue pas qu’entre artistes.
Produire et nouer des tensions : l’art de lier
Une petite dissection lexicale du nom de la compagnie s’impose pour saisir l’envergure du projet collectif et appréhender les valeurs qui animent ce trio. L’alliage des mots « théâtre », « rude » et « ingénierie » produit autant de sens que de paradoxes et c’est précisément à partir de ces frictions successives qu’émerge la pratique du regroupement. Si le TRI détient une expertise, c’est bien celle de savoir dénouer les évidences pour produire des agencements hétérogènes qui, à eux seuls, contiennent des univers complexes.
La présence du mot Théâtre désigne le secteur d’activité dans lequel circulent ces artistes et leurs œuvres : il s’agit d’une bannière sous laquelle inscrire leur travail. L’usage de la nomenclature théâtrale insiste sur la dimension opératoire du mot et témoigne également d’une revendication et d’un attachement à la discipline. Ce « théâtre » annonce d’emblée le type de relation désirée entre l’œuvre et son public, peu importe le contexte environnemental et matériel dans lequel s’inscrit la représentation (scène, festival, galerie, musée, espaces in situ) : « […] il s’agit d’une étiquette! Ce n’est pas “Transport Rude Ingénierie” ou “Boulangerie Rude Ingénierie”. Ça dit ce qu’on fait et c’est un peu un statement, un parti pris et une affirmation » (PLD, E1 : 14). Se revendiquer de la discipline théâtrale dans un paysage artistique où celle-ci est pratiquée de manière homogène, c’est aussi déclarer qu’il n’y a pas de manière univoque de créer des formes dites théâtrales. Les créations protéiformes comme celles du TRI – qui souvent peuvent prendre la forme d’un évènement festif et déambulatoire (Les Nuits du MNBAQ), d’une intervention musicale et performative (Venise 2) ou encore d’un cinéma qui se fabrique en direct (Saison Complète) — peuvent elles aussi s’inscrire au sein du circuit théâtral québécois. En évitant de souscrire à des formats traditionnellement associés au théâtre tout en se revendiquant de ce champ disciplinaire, ces artistes élargissent la perception générique que le public peut entretenir à l’égard du théâtre : « Les formes que l’on emprunte sont différentes ou moins pratiquées ici, mais le théâtre peut aussi être le terrain de jeu qu’il nous faut pour faire tout ce qu’on a envie de faire. En conservant le mot théâtre dans TRI, nous statuons que c’est aussi du théâtre » (PLD, E1 : 15). La porosité entre la discipline théâtrale, la performance musicale et les arts multidisciplinaires4 est cardinale à la démarche de la compagnie et fonde non seulement ses esthétiques, mais aussi ses manières de faire et de dialoguer avec les publics. À ce sujet, Bruno Bouchard explique que la compagnie privilégie « un état de recherche qui se situe à la frontière de ce qui devient une discipline » (BB, E1 : 11) et que la pratique du TRI est marquée par le « désir de ne pas tomber dans la virtuosité » (ibid.). L’ambiguïté disciplinaire ainsi que le rejet d’une certaine maîtrise associée à un professionnalisme artistique rend possible la formation de nouvelles circonstances spectatorielles et participe à redéfinir une vision prescriptive tant du théâtre que des arts multidisciplinaires.
Puis vient le mot Rude, celui qui souligne la dimension expérimentale du travail de la compagnie, qui « cherche à mettre en place quelque chose qui du premier coup d’œil a l’air brut, a l’air d’être incomplet, de tenir avec de la broche et de créer le sentiment que les choses pourraient s’écrouler à tout moment » (PLD, E1 : 14). Le terme renvoie au désir des artistes de générer « quelque chose d’approximatif, de brut, de sauvage, mais qui crée un ensemble, un tout, une construction qui se tient de manière autonome » (ibid.). Ce côté brut est visible tant dans les choix de matériaux (scénographies foisonnantes de machines sonores et d’objets du quotidien sans cohérence apparente) que dans le processus de création qui s’articule souvent autour de tâches à performer plutôt que de scènes à répéter5 fondée sur l’approximation. Si les points de contact entre les matériaux et les présences sont initiés par les artistes, ces derniers font le choix de ne pas résister aux champs de force, parfois contradictoires, que ces rencontres produisent, mais plutôt d’y camper leur pratique afin de « déjouer l’idée du spectacle pour se rapprocher d’un théâtre qui génère de la vraie vie » (BB, E2 : 34). Cet aspect de la création — tant dans son processus que dans son résultat —, « donne l’impression que l’œuvre ne pouvait pas être autre chose que ce qui se présente devant nos yeux, qu’il fallait que le résultat soit précisément celui-là » (PLD, E1 : 15). Ils se refusent le beau spectacle à l’esthétique léchée et aux logiques dramaturgiques strictes et univoques et préfèrent « piloter dans le sens du courant » (PR, E2 : 20).
Mais comment orchestrer le brut, l’ambigu et l’approximatif afin de donner lieu à des œuvres intelligibles et structurées telles que le sont celles du TRI? La réponse se trouve certainement dans la part d’ingénierie au cœur de leur pratique :
C’est une notion qui se réfère à une entité qui serait très organisée, pensée, désignée et qui se veut solide et immuable. Lorsqu’on évoque l’ingénierie, on pense d’emblée à des structures, à des ponts et à des édifices. On pense à tout ce qui rend possible le fonctionnement d’une construction. Par conséquent, celle-ci est adaptée à sa fonction et elle est sécuritaire. Il y a tout un art dans l’ingénierie qui est admirable. Tout le travail structurel en ingénierie civile est plus grand que nature. Donc, il y a quelque chose là-dedans qui nous intéressait : le fait d’assumer que nous n’étions pas du tout ingénieurs, bien au contraire (PLD, E1 : 14).
Si lier une chose à une autre c’est d’abord et avant tout créer un rapport logique entre des éléments, les artistes du TRI s’inventent leur propre cohérence afin d’ériger des monuments éphémères. C’est donc la tension entre les divers matériaux convoqués dans la création qui permet de lier la rudesse à l’ingénierie, afin de produire des formes dramaturgiques. Ce travail de liaison relève d’une ingénierie expérimentale où, les artistes s’emploient à réassigner des usages aux technologies, aux objets, aux corps et aux machines présents dans leurs spectacles afin de leur inventer une destinée spécifiquement scénique. Ces gestes permettent l’émergence de nouvelles configurations relationnelles grâce à l’ébahissement produit par ces détournements qui en soi font édifice autrement.
Ensemble, ces trois mots (théâtre, rude et ingénierie) forment un paradoxe ambulant : un théâtre dont la composition technique et dramaturgique étonne parce que ses composantes initiales détonnent les unes des autres. Philippe Lessard-Drolet évoque une image particulière pour témoigner des imaginaires du TRI : « J’imagine un pont de Québec — qui se tient! —, il ne tombe pas lors de la construction, mais qui serait construit dans le sens du fleuve. Tu te dis “Wow! Quelle structure! Septième merveille du monde!”, mais tu te dis aussi que tu ne l’aurais pas érigé dans ce sens-là! » (PLD, E1 : 15). La métaphore témoigne d’un désir de produire des œuvres sophistiquées sur le plan formel, mais simultanément de résister à la production d’un objet qui soit défini par sa fonctionnalité. Je me remémore le spectacle électronico-acoustique Venise 2, ce concert performatif qui avait des airs de happening et dont je recevais la charge, en pleine pandémie, à partir de mon salon. Tandis que des musiciens (dont les trois artistes du TRI), fabriquent en direct des ambiances musicales, chacun·e des huit performeur·euses anonymes s’affaire à la réalisation d’une étrange et joyeuse tâche : coudre un masque en légumes, peindre des autoportraits à l’aquarelle en utilisant l’eau d’une cuve de toilette, se costumer sans cesse jusqu’à l’épuisement, faire un casse-tête sans en faire un, réaliser des collages, faire défiler des diapositives, manipuler des livres et dessiner. Grâce à la surimpression de multiples sources vidéo, mon regard oscille entre ces stations performatives pendant que la musique gonfle et déborde. Sonorités et images s’enchevêtrent de manière à créer des moments de convergence ou de dissonance qui nourrissent une dramaturgie approximative, qui n’est pas sans rappeler l’idée d’une fête bien réussie. Quoiqu’à des centaines de kilomètres de la représentation (qui se joue en direct dans le cadre du Mois Multi à Québec), je me sens errer, flâner et déambuler parmi les gestes et les présences grâce à ces sonorités qui lient tout et font unité dans ce chaos festif.
Rien dans ce spectacle ne produit, à proprement dit, du sens. Toutefois, le voisinage des matériaux souligne la force des rencontres impossibles. Ce que Venise 2 tout comme le nom de la compagnie laissent deviner, c’est bien que les créations du TRI œuvrent contre l’utilité pour produire, non pas du sens, mais des espaces de relations.
Mettre en commun : apprendre à jouer
Fondée sur une horizontalité et une déhiérarchisation des responsabilités artistiques au sein des processus de création, la pratique du TRI repose sur l’élaboration d’un « plan de match » qui puisse venir guider, cadrer et conceptualiser les expérimentations à venir. Les processus de création qui animent la compagnie sont « tricéphales » comme le soulignent les membres du TRI. Ce sont des modalités de création et de recherche non hiérarchisées où chacun des membres est appelé à prendre le lead d’un projet de manière tout à fait naturel :
Une personne va proposer une hypothèse de travail en se disant qu’il a envie de faire un projet de telle nature. On l’accepte, on embarque et chaque personne va essayer de trouver une façon pour que tout le monde puisse conserver une très grande part de liberté. Il y a une personne qui sera mandatée, parce que c’est l’instigateur du projet, pour garder le big picture (PLD, E2 : 5).
Cette coécriture s’organise donc naturellement à travers les initiatives d’un membre à un moment précis de la création. Tous les membres du regroupement possèdent des habiletés dans un champ d’expertise précis et travailler ensemble est l’occasion de les mettre au service de la création6. Sans que le travail soit divisé de manière disciplinaire, ces qualités respectives contribuent à l’effort collectif : l’élaboration d’une dramaturgie collaborative. Cette mise en commun des qualités techniques et artistiques de chacun des membres de la compagnie s’incarne également dans la manière dont ils envisagent une relation de création auprès de leurs collaborateur·trices, car ces dernier·ères sont appelé·es à participer activement à une écriture multidisciplinaire. Bruno Bouchard explique qu’ils « ne demande[nt] pas aux gens de venir faire quelque chose de précis, on les invite plutôt à faire ce qu’ils savent et veulent faire avec nous » (BB, E1 : 57). En ce sens, il s’agit d’une « écriture harmonique où il faut écrire ensemble, car personne ne fait la mise en scène et l’autre se charge de la scénographie. Ce sont des concepts à oublier. L’idée c’est que chacune des parties résonne bien dans l’autre et se complète mutuellement pour faire musique » (BB, E2 : 4). Quoique les champs d’action soient distincts, un travail de mise en commun continu rend possible une harmonisation de l’œuvre en train de s’élaborer.
Les concepts de terrain de jeux et d’hypothèse de travail7 s’avèrent être au cœur de leurs manières de faire et participent à l’organisation d’une mise en commun des idées au sein d’un processus de création. Véritables principes opératoires, ces notions sont fondamentales dans la manière dont s’articule le geste de création collaboratif. Concrètement, il s’agit d’un ensemble de joyeuses prescriptions que les artistes se dictent à eux-mêmes. Ces consignes campent les fondations conceptuelles et formelles de l’œuvre et sont en soi un cadre à travers lequel le trio et leurs collaborateur·trices peuvent se mettre à jouer.8
Les notions d’hypothèse de travail ou d’« hypothèse mécanique » sont des protocoles9 qui guident la structure de l’œuvre à venir. Les artistes rassemblent des éléments précis tels que des matériaux, des gestes, des images et des objets pour ensuite déterminer une idée précise à tester. Les hypothèses de travail servent à « toujours se mettre en situation d’essai et d’explorations pour mieux vérifier jusqu’où ça peut aller » (PLD, E1 : 6). En déterminant un plan d’action précis, celles-ci permettent de déplier le lexique visuel ou mécanique d’une œuvre en chantier et d’en tester les possibilités : « L’hypothèse consiste à matérialiser des idées : on construit des machines, on construit les dispositifs, on se fait une liste de potentiels d’évènements. Ça sera notre vocabulaire de départ » (PLD, E1 : 24). Dans le cas du spectacle Silences mécaniques10, l’hypothèse de travail était la suivante : que se passe-t-il si ce texte est interprété, mais que tout ce qui concerne l’environnement technique (éclairage, son, projections vidéo, caméras en direct) est automatisé sur une timeline11? Le spectacle Saison Complète s’appuyait sur une autre hypothèse, soit la possibilité de construire une œuvre en quatre épisodes d’où émergerait un film, présenté le cinquième soir, produit à partir des images captées pendant les premières représentations. Ces deux exemples désignent l’hypothèse de travail comme étant le fait de tester une idée en amont de la diffusion de l’œuvre, mais elle implique aussi de conserver cet état d’expérimentation au sein de la représentation. Bruno Bouchard souligne l’importance pour le TRI de « préparer des choses qui vont se passer et puis de les vivre en même temps que le public » (BB, E1 : 25). De ce fait, les artistes qualifient la présence d’hypothèses de travail dans leur pratique comme étant symptomatique d’un « mode de la performance » (ibid.) qui se distille dans la création tout comme dans la représentation. En ce sens, l’hypothèse de travail permet de « générer un spectacle imprévu et imprévisible dans sa finalité » (BB, E1 : 25) parce que sa forme est imprégnée des processus qui ont rendu possible sa création.
Intimement liée aux hypothèses de travail, la notion de terrain de jeu désigne la part d’expérimentation avec les interprètes au cœur du processus de création. Il s’agit de consignes préétablies, d’« un cadre dans lequel se déroule l’expérimentation et qui génère quelque chose » (PLD, E2 : 29). Entendues comme une partition de tâches à accomplir pendant les explorations et les représentations, ces actions visent à déclencher des possibilités scéniques. Les artistes précisent qu’il s’agit d’une approche de la création qui consiste à « mettre en place une zone où les éléments sont là pour interagir librement entre eux. Il s’agit de construire un format et mettre en place des éléments pour que quelque chose advienne12». Bruno Bouchard donne l’exemple suivant afin de décrire cette notion et l’usage qu’ils en font au sein de leurs processus de création :
Tu peux demander à deux interprètes de se tenir l’un face à l’autre en déséquilibre en leur expliquant qu’il y a un champ de force entre eux. Tu mentionnes qu’ils peuvent seulement se toucher en utilisant leurs poignets et leurs chevilles et qu’ils pourront s’arrêter seulement lorsqu’ils entendront le bruit d’un miroir craquer. Pendant ce temps, moi je vais aller appuyer sur ma console et je vais essayer de briser ce miroir (BB, E2 : 58).
Ces règles ont pour objectif d’organiser les expérimentations tout en observant ce qui peut émerger de cette approximation initiale : est-ce que les interprètes vont tomber? Est-ce que le miroir, en se brisant, va produire des rebuts qui seront utiles pour l’écriture de cette même scène? Les terrains de jeu sont non seulement un moyen pour les artistes d’étudier les potentialités d’une interaction, mais ils constituent en soi la partition qui sera présentée devant le public. Ce faisant, cette notion est aussi envisagée comme un espace dédié au public où « à la manière de l’art visuel, le spectateur doit énormément s’impliquer dans le décodage de l’œuvre et dans le récit qui se déploie. Les terrains de jeu permettent de créer cette rencontre » (BB, E1 : 29). Sans convoquer une dimension explicitement interactive au sein de leurs créations, les artistes s’assurent de mettre en place un espace où le public « puisse se sentir libre d’interagir, même mentalement avec l’œuvre13 » (ibid.). L’objectif est de maintenir, devant les spectateur·trices, un sentiment d’expérimentation et d’amener ce public à lire, voire à deviner spontanément, les conventions propres au système de jeu qui est mis en place. Je me rappelle l’une des scènes du spectacle Saison complète où une interprète fait tenir sur son avant-bras une chandelle après s’être enduit de crémage à gâteau. Puis elle danse, avec en tête le souci de maintenir la flamme allumée. Rien n’est dit, mais la tâche est claire. Nul besoin de chorégraphier les mouvements, car le défi dicte les pas.
Cette image parvient à éviter la stérilité, car elle est évolutive et au service d’un sentiment d’expérimentation partagé devant et avec le public. Ces terrains de jeux et ces hypothèses de travail sont à la base d’œuvres qui fonctionnent elles-mêmes sur le mode de la recherche en direct et qui relèvent davantage de l’activité scénique que de la (re)présentation.
Mise en écoute : savoir déjouer
Les artistes du TRI provoquent et agencent des rencontres entre des matériaux, des présences et des ambiances sonores, mais l’œuvre se matérialise par l’activation d’une écoute sensible de ces points de contact. Au cœur des aléas matériels se joue un ensemble de nouvelles connexions souhaitées par les artistes, mais jamais prévues. Qu’est-ce qui jaillit de ces frictions? Qu’est-ce qui dépasse les règles de jeu initiales? Quelles actions, quels sons et quels gestes gagnent en indépendance lorsqu’on se met à l’écoute de ces rencontres et des synchronicités qu’elles font naître? Les artistes envisagent le travail de création comme une série de négociations avec la matière, où il y a toujours place à l’imprévu et à l’enchantement. Pour qu’advienne ce dialogue entre les artistes et les matériaux mobilisés au sein des terrains de jeu, une écoute soutenue est nécessaire et celle-ci doit s’inscrire au présent.
Un véritable plaisir commun les rassemble autour du détournement du sens initial d’un objet pour en matérialiser un second, souvent ludique et poétique, afin de « révéler les vies d’un objet » (PLD, E1 : 3). Par exemple, dans le spectacle Saison complète, une pierre, attachée à une poulie qui est elle-même liée à un système d’horlogerie, déclenche l’activation d’une sculpture mécanique qui, à son tour, viendra détruire progressivement un miroir. Un des fragments du miroir est alors récupéré par un interprète, qui s’en servira pour construire la séquence scénique suivante. Il s’agit donc de récupérer des artéfacts qui sont fonctionnels, ou qui l’ont été, et de les refonctionnaliser au sein d’une œuvre. Ce nouvel usage se situerait à l’opposé de la fonction assignée de l’artéfact, mais le doterait d’une existence scénique :
Moi ce que je trouve intéressant dans l’utilisation du mot « mort » par rapport à notre pratique, c’est son opposition au vivant. On comprend bien ce que le « vivant » signifie, mais qu’est-ce que le mot « mort » implique? Puisqu’on recycle [des objets], c’est comme si ces choses nous arrivent d’un autre monde, d’une autre sphère. Le malaxeur qui sert à jouer de la cymbale dans un spectacle, il est mort dans sa vie de malaxeur, mais il vit autrement dans l’œuvre (PLD, E1 : 34).
Ce côté artisanal, ce bricolage revendiqué par la réutilisation d’objets permet de prendre un artéfact qu’on reconnaît, un objet du quotidien, et de l’utiliser autrement, de « le modifier pour qu’il fasse quelque chose qui est au service du futur » (PLD, E1 : 26). Philippe Lessard Drolet se rappelle de la conception d’un « orgue à klaxon » et de la manière dont la réassignation de certains matériaux stimule un nouveau rapport aux matériaux et, plus largement, aux choses :
[L’orgue à klaxon] c’est une série de boutons disposés de la manière dont le serait des touches sur un clavier de piano. Chaque bouton active un klaxon d’automobile qui est accordé sur une octave et chaque klaxon fait une note en demi-ton. [Bruno] est allé à la cour à scrap et il a expliqué qu’il avait besoin de klaxons. Les personnes sur place en sortent un et le lui présentent. Il l’essaie puis il écoute le son qu’il produit, mais explique que celui-ci marche très bien, mais que ce n’est pas le Fa dièse dont il a besoin. Le commis ne comprend pas et Bruno lui explique son projet en lui mentionnant qu’il lui manque telle note, telle note et telle note. C’est ce qu’il vient chercher ici et c’est la raison pour laquelle il a besoin d’écouter les klaxons, de les entendre. Là, tout le monde se met à tripper, parce que ça les sort complètement de leur routine quotidienne et ça détonne des motifs pour lesquels les gens viennent normalement leur demander un klaxon (PLD, E1 : 31).
Ces stratégies de détournement permettent d’échapper au préformatage14 inhérent aux objets et de renouveler leur existence en mettant en relief leurs dimensions sensibles. Pascal Robitaille souligne à son tour que les matériaux et les machines avec lesquels le TRI travaille ont des « choses à dire et à faire » et qu’il est capital de ne pas surplomber cette expression, mais plutôt de s’y mettre à l’écoute :
Toi, ton idée initiale est celle qui a généré le début de la construction, mais il faut impérativement que tu écoutes la réponse des matériaux. Ensuite, tu utilises cette réponse pour aller plus loin. Si tu manques d’humilité et que tu t’acharnes à maintenir ton idée originale parce que tu es persuadé que celle-ci est meilleure que ce que la poulie est en train de faire, ce qu’elle te suggère, tu produis une image qui est stérile. Si tu fais preuve d’une écoute, d’humilité et en un certain sens d’opportunisme, tu peux rebondir sur les mouvements initiés par les objets et aller plus loin avec eux. Finalement, si tu es à l’écoute, le résultat, tu peux plus ou moins le revendiquer, car il s’est construit à partir d’un échange entre toi et le matériau (PR, E1 : 20).
Comme le souligne Pascal Robitaille, prendre le temps de côtoyer un objet, c’est aussi apprendre à le connaître en dehors de ses évidences. Ainsi, leur démarche artistique s’envisage au fil des choix effectués et d’un travail ponctuel de discernement où les artistes ne s’érigent jamais au-delà ou au-dessus des matériaux. Le bricolage technique et le recyclage des objets imposent un temps particulier à la création, celui de l’écoute et de la patience afin que l’objet et ses mutations puissent émerger naturellement :
Dans la réutilisation d’objets, dans le fait de revisiter des objets qui existent déjà ou bien qu’on a déjà modifiés, il faut opérer un travail en profondeur. L’exercice ne peut pas se réaliser de manière intense, en très peu de temps. Si j’ai un objet qui traîne chez moi pendant trois ans, que je le croise au quotidien, je sais ce qu’il a fait, je sais ce qu’il peut faire… Je vais avoir une idée par rapport à cet objet-là. Parce que je le connais, je vais pouvoir le réorienter. Je sais très bien que je n’aurais pas pu, lors de sa création, avoir l’idée qui a suivi trois ans plus tard. Il fallait que je le côtoie, il fallait qu’il soit là et que ça murisse (PR, E1 : 22).
Cette posture d’écoute à l’égard des objets s’incarne aussi dans la manière dont les artistes valorisent une approche du travail « qui s’active au présent » (BB, E1 : 26). Les artistes effectuent de constantes relectures des possibilités qu’offrent une situation de création, un outil, une machine, une image, un signe et son signifiant en scène. Loin de toute forme d’approche mimétique de la scène, ces artistes sont dans le faire, dans l’écoute, dans la fabrication :
Dans les explorations que l’on faisait, il y avait beaucoup cette idée-là de capter des moments présents. Je me suis déjà fait couper les cheveux sur la scène à 17 ans parce que je voulais des « vraies choses » qui se passent. […] C’est une des lignes directrices de Rude Ingénierie : c’est un théâtre de choses qui se passent. C’est clair et net que c’est là-dessus qu’on travaille. Donner de la profondeur et de l’importance au présent, aux accidents et à tout ce qui se passe à un moment précis (BB, E1 : 9).
Si les terrains de jeux mis en place par le TRI illustrent bien ce désir de jouer et de créer au présent, l’attention que les artistes portent envers les objets et leurs potentiels d’expression détient une influence tout aussi forte sur la création :
Cette même attitude que l’on entretient face aux terrains de jeu, aux différents éléments qu’on mobilise ou encore avec les intervenants qui participent à la création se retrouve aussi à l’échelle d’un seul objet. Ce dialogue réel avec les matériaux est honnête parce qu’on se fait surprendre. À un certain moment, que ce soit avec la musique ou avec les objets, il y a un transfert de souffle qui se produit : Frankenstein prend sa première puff puis on l’accepte, on l’aime, on l’écoute (PR, E2 : 18).
Un excellent exemple de cette pratique qui se réactualise sans cesse serait celui de l’utilisation de la vidéo en direct dans leurs œuvres : « Très rapidement, nous n’avons pas voulu travailler avec la vidéo préenregistrée. On s’est donné le défi de la vidéo live, avec justement cette idée du moment présent en tête. C’est là qu’on s’est trouvé au présent : être dans une poésie du geste qui génère un ailleurs et non pas faire penser qu’on est dans un ailleurs comme le théâtre le fait souvent » (BB, E1 : 10). Un travail d’approximation vient cadrer les explorations, mais les artistes restent très attachés à la possibilité que les choses arrivent d’elles-mêmes en dehors de la volonté et de l’agentivité humaine. En embrassant de multiples points de vue et en coopérant avec la matière, le travail de création du TRI offre une vision décentrée de la perspective unique de l’« Artiste ». Encore un souvenir de Saison Complète : un lourd disque en plâtre tournoie sur lui-même aux abords de la scène. Il est disposé sur une plateforme et est frappé à répétition par ce qui m’apparaît être un marteau-piqueur. Avec le temps, le petit dispositif se voit altéré par les frictions contenues effectuées par l’engin. L’étrange artéfact est la première chose que je vois en entrant dans la salle et je comprends, plus tard, que le relief créé par l’outil aura servi de bande sonore au spectacle : les cavités et les bosses vont créer des fluctuations sonores qui seront décryptées comme on lit un vinyle. Cette manière de se lier autrement aux matériaux et de s’efforcer à écouter et à entendre autrement les langages des objets engendre des fabriques et des œuvres où l’on se sent près des choses et du destin qu’elles veulent bien s’inventer en coopération avec les artistes.
Au TRI, on bricole, on patente, on laisse faire et on laisse aller toujours plus loin dans le but d’être surpris par ce qui prend forme lorsqu’on cultive sa curiosité, qu’on laisse ouverte la porte et qu’on s’y tient devant « juste pour voir ». Si le travail collaboratif est capital dans la fabrique d’une œuvre chez ce regroupement d’artistes, cette coopération s’incarne sur tous les versants de la création. Attentif aux dynamiques propres aux univers matériels, sensibles et poétiques dans lesquels il s’inscrit, le trio oscille constamment entre la mise en commun et la mise à l’écoute afin de toujours s’enchanter de ce qui se produit et qui n’aurait jamais pu être prévu. La mise en commun des expertises, des idées, des désirs et des imaginaires joue un rôle clé dans l’élaboration de l’œuvre et les artistes envisagent leurs rapports aux objets qui peuplent leurs processus de création par le prisme de l’écoute. Être ensemble et être à l’écoute, voilà deux grands mouvements de fond qui animent les processus de création joueurs du TRI. Dans l’espace de l’atelier comme dans celui de la représentation, ce qui nous est donné à voir est une œuvre en chantier, marquée par un état d’expérimentation aussi ludique que rigoureux. Les œuvres qui découlent de ces processus de création sont des univers minutieusement orchestrés, où le chaos s’organise toujours dans l’enchantement.
Théâtrographie
Théâtre Rude Ingénierie (2021), Venise 2, 13 et 14 février, Mois-Multi, Québec (diffusion en ligne) : https://rudeingenierie.com/fr/projets/venise-2.
— (2020), Dreamland, 13 au 16 février, Théâtre du Nouvel Ontario : https://rudeingenierie.com/fr/projets/dreamland.
— (2019), Alice Bricolé, 26 février, Mois-Multi, Québec et 8 septembre, Espace Phos, Matane : https://rudeingenierie.com/fr/projets/alice-bricole.
— (2018), Saison Complète, 25 janvier au 28 février, Mois-Multi, Québec : https://rudeingenierie.com/fr/projets/saison-complete.
— (2018), Les Nuits du MNBAQ, 24 mars (soirée #3 : Monochrome), Musée National des Beaux-Arts de Québec : https://rudeingenierie.com/fr/projets/les-nuits-du-mnbaq.
— (2018), La remise de Diogène, 10 au 19 août, ComédiHA!
— (2017), Les Nuits du MNBAQ, 24 juin (soirée #1 : La Fête) et 28 octobre (soirée #2 : La Mascarade), Musée National des Beaux-Arts de Québec : https://rudeingenierie.com/fr/projets/les-nuits-du-mnbaq.
— (2016), Entre, 24 au 26 février, Mois Multi, Québec : https://rudeingenierie.com/fr/projets/entre.
— (2016), Venise, 27 février, Mois Multi, Québec
— (2016), Les Palais, mois de mai, Parcours déambulatoire « Où tu vas quand tu dors en marchant », Carrefour international de Théâtre : https://rudeingenierie.com/fr/projets/les-palais.
— (2016), Zoltar, mois d’août, Humanorium, l’étrange fête foraine, produit par Ex Muro.
— (2016), Dreamland, 20 septembre au 8 octobre, Théâtre Périscope, Québec : https://rudeingenierie.com/fr/projets/dreamland.
— (2015), Dreamland, 4 au 7 février, Usine C, Montréal : https://rudeingenierie.com/fr/projets/dreamland.
— (2015),— Les Palais, mois de mai, Parcours déambulatoire « Où tu vas quand tu dors en marchant », Carrefour international de Théâtre : https://rudeingenierie.com/fr/projets/les-palais.
— (2014), La petite Maison Mécanique, FIMAV (Festival international de musique actuelle de Victoriaville) : https://rudeingenierie.com/fr/projets/la-petite-maison-mecanique.
- 1. Le Théâtre Rude Ingénierie s’est officiellement enregistré à titre de compagnie en 2015. Toutefois, les artistes collaborent sous le signe du collectif depuis le début des années 2000 et préfèrent activement conserver une date de fondation nébuleuse.
- 2. Les entretiens se sont déroulés entre 2017 et 2018.
- 3. Au fil du texte, les citations des artistes issues des deux entrevues sont assignées selon le système de référencement suivant : BB = Bruno Bouchard, PLD = Philippe Lessard-Drolet, PR= Pascal Robitaille / E1 = Entrevue numéro 1, E2 = Entrevue numéro 2 / le chiffre se réfère à la page du verbatim de l’entretien en question. Par exemple, la citation (BB, E2 : 34) est attribuée à Bruno Bouchard lors de l’entrevue 2 et elle figure à la page 34 du verbatim.
- 4. Le terme multidisciplinaire est ici privilégié, car c’est celui-ci que mobilise les artistes du Théâtre Rude Ingénierie lorsqu’ils décrivent leur pratique artistique.
- 5. Plutôt que de mobiliser un savoir-faire fondé sur le contrôle des matériaux et des présences qui sont mises en jeu, le TRI valorise une forme de savoir-défaire
Si les artistes affirment que leurs choix de matériaux, de machines, d’outils, de collaborateur·trices ou encore de pistes musicales sont minutieusement sélectionnés, le résultat produit par le voisinage de ces éléments reste tout à fait ouvert. - 6. Philippe Lessard-Drolet détient des connaissances approfondies des logiciels tels que PatchMac ou Autocad, Bruno Bouchard a un bagage musical important et Pascal Robitaille se spécialise dans le développement machinique des objets scéniques. Toutefois, il est important de souligner que tous les artistes collaborent à l’ensemble de ces activités.
- 7. Au fil de ses collaborations, le trio a imaginé un lexique foisonnant qui rend tangibles leurs méthodologies de travail. Les termes mentionnés ont été explicitement utilisés par les artistes pendant les entrevues pour définir leur processus de création. Ces notions permettent de nommer certaines prédispositions conceptuelles nécessaires au geste de création chez le TRI.
- 8. Cueillir le résultat de ces essais et se mettre à l’écoute du produit de ces mises en jeu relève, comme je l’expliquerai plus tard, de la mise en forme de l’œuvre.
- 9. J’entends par protocole un ensemble de règles et d’indications qui permettent l’avènement d’une action qui n’est pas prévue, mais qui émerge de ces terrains de jeu et de ces hypothèses de travail.
- 10. Ce spectacle s’inspirait de l’œuvre Duo de Marguerite Duras et est une création réalisée par Philippe Lessard-Drolet en collaboration avec Bruno Bouchard dans le cadre de leur baccalauréat à l’Université Laval
- 11. Ce terme renvoie à l’automatisation chronologique des actions qui doivent être déclenchées par la régie pendant un spectacle à des moments précis.
- 12. À tout cela s’ajoute aussi le sens du jeu, c’est-à-dire la manière dont les collaborateur·trices ou les interprètes vont ponctuellement annexer de nouvelles règles.
- 13. Le trio insiste sur le fait que la compréhension n’est pas la seule clé d’appréciation et que l’expérience de l’œuvre prime.
- 14. En ce sens, un moteur à essuie-glace peut se transformer en œuvre sonore dans une création du TRI lorsque connecté avec un logiciel de composition. Il faut aussi souligner que les phases d’idéation et de création sont vécues sur de longues périodes et sont marquées par la notion de recyclage (d’objets, de séquences performatives, de machines, etc.). Ces approches de la création créent un effet d’expérimentation continu et consolident un univers esthétique et thématique propre à la compagnie. On peut apercevoir le même objet dans plusieurs œuvres de la compagnie et une œuvre peut connaître plusieurs versions.
MORIN, Julie-Michèle (2024), « Le Théâtre Rude Ingénierie : de la mise en commun à la mise en écoute », L'Extension, recherche&création, https://percees.uqam.ca/fr/recit-de-pratique-article/le-theatre-rude-ingenierie-de-la-mise-en-commun-la-mise-en-ecoute