Femme éternuant dans l'oeuvre Éternuité

Contributions de Christof Migone

Éternuité (ForeverSneeze) (2008)

 

 

Cherchons l’éternel dans l’éternuement. Du plus petit au plus grand. L’éphémère est éternel. Éternellement là, que là. L’éternuement est un de ces moments où on n’est plus là comme sujet, on est qu’un tas de chair et os pris dans un vacarme cinétique. Selon Pascal « L’éternuement absorbe toutes les facultés de l’âme. » On est à la fois uni et perdu dans ce geste involontaire. C’est de la méditation en express, version fast food. Catherine Clément en parle comme une des formes de syncope, un acte qui « prive le corps de son obéissance à l’esprit. » C’est l’inverse qui m’intéresse : comment dans ce moment l’esprit est privé du corps comme terrain d’action. C’est le moment où l’éternel intervient. Il s’empare du corps pour dire coucou et s’en va aussitôt qu’il a éclaboussé sa présence. Éternuement comme instrument. Il y a des sites où ceux qui ont un fétiche de l’éternuement se retrouvent; cette œuvre est bien appréciée par eux. Elle a trouvé son public. Ceci dit, en presque une demi-heure on y retrouve qu’un seul éternuement, et celui-ci se trouve à la toute fin. Ceci n’efface donc pas la série d’essais sans succès qui le précède, bien qu’au visionnement on se rend compte sans trop tarder que l’intérêt (et peut-être même le fétiche) se trouve autant dans cette succession de tentatives que dans la satisfaisante conclusion.

 

Participants: Sally Baydala, Erica Brisson, Eryn Foster, Stephanie Khoury, Angus Leech, Wm Leler, Demian Petryshyn, Naomi Potter, Don Pyle, Duncan Speakman, Barbara Sutherland, Pandora Syperek, Janice Wu.

Enregistrement sonore au Banff Center par Don Pyle en 2007. Caméra par Christof Migone.

Commande d’Avatar pour le projet collectif intitulé La Chute initié par Émile Morin et Jocelyn Robert. Publication DVD

 

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Amateur Professional / Professional Amateur (2008)

 

 

Écraser l’amateur, effacer le professionnel. Rythmique avec larsen dans le premier, rythmique de frottements dans l’autre. Un va-et-vient. Un recul et un dépassement. Il s’agit tout simplement de cadrer, trouver le geste, et faire. Par chance le microphone interne de l’enregistreuse se trouvait tout près de l’appellation « Professional ». À la fin il y a tout juste assez de place pour y ajouter un « Amateur » en dessous. Qui se croit un professionnel est en fait un amateur. Qui se croit un amateur est un pro. Différencier l’action de la personne. Différencier l’accréditation de la croyance en soi. Se prétendre et être s’entrecroisent dans un nœud de fictions et faits. Il ne s’agit pas d’une compétence ou d’une habilité, mais d’une aptitude et d’une attitude. On trouve l’amateur dans le cran, tandis que le professionnel s’affiche dans le col. Erik Satie déclarait : « Let us be artists without trying. Ideas can get by without Art. We should be wary of Art: it is often merely Virtuosity. » Il s’agit de savoir incorporer le défaire dans le faire. Et, vice versa—devise qui est toujours opérationnelle. Vice versa est un exemple de larsen logique. Art & Language dans leur texte « We Aimed To Be Amateurs » décrivent que l’art conceptuel qui fait preuve de vivacité ressemble à un genre d’art amateur. Ralph Waldo Emerson se trompe quand il dit que « Every artist was first an amateur. »  C’est l’inverse : « Every artist is last an amateur », ou plutôt, l’intemporel : « Every artist is always an amateur. » Le vivace, le vif, est vite. Il bat, il bat constamment. 

 

Enregistrement sonore au Banff Center par Don Pyle en 2007. Caméra par Christof Migone.

 

Face aux déchets 3 - L’Ombre Du Cerf Dirige Son Empreinte Vers Le Canada

L’alcool utilisé pour nettoyer les feuilles d’érable est-il un déchet? La bouteille contenant l’alcool est certainement un déchet. On a mâché les feuilles d’érable allemandes et on les a crachées dans le canal. Au moins c’est un déchet biodégradable. Magali Babin, dont le corps a évolué, ne rentre plus dans son habit de skidoo trop serré. Cela pourrait devenir un déchet, comme les bottines qu’elle portait alors pour faire du bruit avec les feuilles, inspirées par les péripatéticiennes de St-Pauli. Même chose pour la chemise de chasse de Létourneau. Les cendres de Douglas McColeman, qui participait à cette performance avec mine mine mine et qui est décédé quelques années plus tard, seraient-elles selon lui une forme de déchet? Quelques années auparavant, il avait acheté une boîte de carton pour enterrer son ami Alan McCarthy et conserver de l’argent pour la fête. Il croyait fermement qu’un corps décédé n’avait plus de valeur. Comme un déchet.

 

MIGONE, Christof (2024), « Contributions de Christof Migone », L'Extension, recherche&création, https://percees.uqam.ca/fr/le-vivarium/contributions-de-christof-migone

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