L’improvisation est une méthode centrale dans le cadre du projet Agence Augmentée, et ce, autant dans mes recherches performatives que j’ai réalisées seul à l’été 2022 que dans les expérimentations installatives, sonores et performatives réalisées en collaboration avec Isabelle Lapierre, Katia Martineau, Mathieu P. Lapierre et Vincent Thériault à l’été ainsi qu’à l’automne 2022. Une des tactiques pour organiser les divers matériaux constituant l’installation présentée à la Galerie des arts visuels de l’Université Laval à l’automne 2022 consistait à être attentivement à l’écoute de tout ce qui se trouvait déjà dans l’espace pour que celui-ci puisse être lu comme une partition guidant nos improvisations installatives. En fait, anciennement Les Copies de la Capitale, ce lieu était loin d’être un White Cube, car il était plutôt irrégulier et « bruyant » sur le plan visuel. Ainsi, je demandais à mes collaboratrices et collaborateurs d’être à l’écoute de toutes ses taches et irrégularités afin que les objets que nous déposions dans l’espace interagissent avec celles-ci et que toutes les entités dans l’espace d’exposition deviennent interdépendantes.
Pour cette exposition, j’avais également réalisé une vidéo à partir de la documentation d’un processus de recherches performatives qui m’ont permis de créer des Entités St-Éponges Tie Wraps Siliconées qui traduisaient mes diverses postures corporelles lors de ces improvisations performatives, comme je l’explique dans la conférence performative qui inaugurait le colloque-laboratoire du mois de décembre 20221. Il est également intéressant de souligner que la structure de cette conférence performative fut déterminée par des improvisations sonores à partir desquelles j’ai halluciné les différents « thèmes » abordés dans celle-ci après avoir expliqué la genèse du projet Agence Augmentée.
Bibliographie
RATTÉ, Michel (1999), L’expressivité de l’oubli (essai sur le sentiment et la forme dans la musique de la modernité), Bruxelles : La lettre volée.
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Contribution d'Isabelle Lapierre
sillon STOP,
canne de cuivre, conducteur de camion de course
les doigts bleus
chiens errants sur terrain vague
tuyauter la perruque, de Certeau frisé fuchsia.
floooooo
suspendu et brisé.
tak
la musculation de télématin
le télémathon mesquin masqué de noir pour la soirée
tikotikotikoboum.
embobiner les écrans soyeux
grille dure et grille molle,
les balles en lévitation iront où elles voudront,
mini digitale mi-minérale.
le serpent rouleau faux-fil.
j’arrive,
griller baiser de bzzzz, bzzzz.
buzzé de bouches attentives.
lilas pointé vers la mine basse.
nuage métallique qui se cache sous
cchiiiiiiifonné cr.épité, charmant débit.
le coin est suivi et me suit.
cheveux nichés USB
petit fantôme se perpétue.
pendu marquant l’écart effort fourni et nombril.
vrille casse gueule multicolore.
les étages fondent et frondent,
bas perché tiré à la poulie.
tablée miroir du sacristi,
encadré noir rompu de gloire
à mi-chemin du blanc pacotille de craie
bijouterie effondrée là.
la pyramide de grenailles triangule une pluie de plâtre imprévue et illimitée.
souffler un bout de trottoir
poudré au grand écart.
chaussé pour la survie du dispositif imprécis et effréné
qu’est-ce qui est jaune?
grid gris du colibri cassé dans sa sauvagerie
promis hier bicycle, parce que demain unique et sa cavalerie
merci war, aéronef bagarreur s’égare dans la bataille.
les boxes taïwanaises se pratiquent jusqu’au tsunami fatigué
sur la king des rideaux, portail de nuit dans un verre d’eau
on se capture neige qui âge
de l’écran à la plage de neige dans la télé poltergeist.
ongles qui grrrrrrondent et inondent la monotonie des mondes
zoo oraculaire
trafic de l’auriculaire
hockey mais pas OK, temporairement fermé.
à contrôle nommé, à contrariété
de menteries contenues, pour les bienséances
ramper directement sous les disque de résiliation
et manger des grillons
serial intervalle : peur des portées croches
valable dans le divan, des pensées opérables
passe-temps chirurgical, valium art now.
au contraire en acier, entrailles de grenat entrouvert
power supply et multivers multipliés
président de comité de la cour
au centre du trou noir dans mon ventre auréolé du vendredi
les sonorités mauve brouillard sont d’appels téléphoniques
Siri je suis, ferme ton canari sur ton coloré
le mouvement excuse les pensées diffuses
et les tasses de thé blanc maculé
micromoteurs évaporés,
au fer à repasser plusieurs fois pour que ça paraisse.
vous
coup
vous
coup
vous
coup
envoutée et coupée
Movie things
Stranger Blings
Suppôt des échéances, un disque dur comme échappatoire
capter les miroirs à combustion
je vais m’habiller et je sors d’ici.
Les X-Men sont déjà là, hyper tranquilles avec leur gros iPad de gyproc
Cacher le chapeau melon il il il il a invité Paul à souper
numéro quatorze à côté des pétards,
la boule verte est renégate, suivie de près par le plancher
Va vers la lumière du rouleau-couleur compresseur d’électricité
les oreilles de lapin savent lire l’invisible d’aluminium
66 six c’est juste une petite cuillère rose.
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Contribution de Vincent Thériault
Les deux pièces suivantes, Capable Issue et Ctncepoion Ptange, ont été produites librement en écho au texte Agency de Markus Schlosser. Ce texte m’a servi de matrice matérielle afin d’éprouver l’idée de multiplicité descriptive, puis comme une source à dévier au sein d’opérations de transformation ou d’interprétations plastiques.
Capable Issue a été produite comme une courte improvisation en une prise au travers d’un dispositif numérique de délai (il n’y a pas de superposition audio supplémentaire au flux créé en direct). Ce dispositif produit, à partir d’un geste sonore initial, divers délais dont la hauteur et la répétition sont altérées (pitchshifting) par une prise d’information relative à l’amplitude de ce geste, à divers moments et de manière automatique. Ainsi, la réaction du dispositif m’est imprévisible bien qu’il est physiquement corrélé à mes gestes. Il fait apparaître des textures et rythmes en temps réel qui déstabilisent, voire stimulent mon imagination et mes prises de décision. De cet amalgame transactionnel, je dévoile par la suite à l’aide de quelques effets les multiples voix chantant la même chanson.
Le texte d’Agency étant en anglais, j’ai d’abord été happé par les mots qui étaient exactement les mêmes en français et en anglais, parfois avec des sens différents (ex: issue, capable, manifestation). Je les ai listés en compagnie de mots en anglais ayant deux sens par la même orthographe (ex: can, free, general). Ces mots-mouvants ont été remâchés, une page à la fois, par un programme qui les réduisait et compressait en combinaisons: un mot français-anglais était comparé à un mot anglais-double, puis aléatoirement le programme conservait les lettres semblables aux deux ou celles uniques au premier. De cette réduction a été retenu un matériau de lettres-volatiles qui sont devenues des séquences de notes dans la première partie de Ctncepoion Ptange. Par la suite, j’ai remâché et compressé ces mêmes notes par un procédé similaire, mais musical, ce qui donne une échappée synthétisée qui traverse la fin de la pièce. Les autres interventions sonores réagissent à cette tirade.
- 1. Cette conférence peut être visionnée dans la section de ce dossier dédiée à la question de l’agentivité.
ST-ONGE, Alexandre, Isabelle LAPIERRE, Katia MARTINEAU, Mathieu P. LAPIERRE et Vincent THÉRIAULT (2024), « Agence Augmentée : Improvisation », L'Extension, recherche&création, https://percees.uqam.ca/fr/le-vivarium/agence-augmenteeimprovisation