En France, plusieurs facteurs expliquent la récente multiplication des performances poétiques sur scène. Bien qu’elles s’inscrivent dans une vaste filiation allant du dada à la poésie sonore en passant par Fluxus, elles ont longtemps été maintenues en marge par les institutions littéraires. Les facultés de lettres, qui se sont structurées en suivant un paradigme moderniste faisant la part belle au livre papier, ne leur ont accordé qu’une place mineure (Mougin, 2019 : 182‑195). Malgré quelques faits d’armes dans des lieux prestigieux consacrés à l’art contemporain, comme le Centre Pompidou avec la Revue parlée et le festival Polyphonix, les performances poétiques ont été en grande partie évincées de l’histoire littéraire. Cependant, depuis les années 1990, les paysages culturel et socioéconomique ont changé. Dans un contexte fortement concurrentiel, le statut d’auteur·trice est de plus en plus précaire. Le temps consacré aux activités connexes (lectures, conférences, ateliers d’écritures, performances, invitations diverses) et leur part dans le revenu total des auteur·trices s’accroissent (Sapiro, 2017 : 7). Les poètes, qui ne perçoivent de la vente directe des livres qu’un très faible montant, sont particulièrement susceptibles de multiplier les lectures et les performances s’il·elles veulent vivre de leur profession. La poésie sur scène se généralise et gagne en puissance.
Autrefois, cette dernière ne laissait que des traces disparates. À partir des années 1960, la peintre, vidéaste et performeuse Françoise Janicot Heidsieck immortalise bon nombre des sorties de la poésie hors du livre. Elle photographie les performances de son époux, Bernard Heidsieck, mais également celles de Julien Blaine, de Christian Prigent ou d’auteur·trices anglophones comme William S. Burroughs et John Giorno. Aujourd’hui, grâce à la démocratisation des outils d’enregistrement, les procédures d’archivage se multiplient et se systématisent, entre souci compulsif de garder une trace, fétichisme de l’œuvre d’art et dynamiques de patrimonialisation (Barbéris, 2015). L’archivage et la remédiation subséquente des traces ont des effets colossaux sur la manière dont les poètes envisagent les performances.
Alors qu’elles étaient idéellement conçues comme des événements sémelfactifs, situées dans un hic et nunc circonstancié, faisant la part belle à la (co)présence et volontiers transgressives (Zerbib, 2013), les performances prolifèrent aujourd’hui sur nos écrans. Rejouables à l’envi, les vidéos font du lieu de la performance un décor et de la scène une vignette miniaturisée. Elles transforment les poètes en corps-pixels, isolés des vidéonautes par un mur spatial et temporel infrangible1. En se présentant sous la forme d’archives, documents opaques englués dans des technologies de captation d’un autre âge, les performances les plus anciennes créent un fossé culturel avec les vidéonautes.
Les processus qui concourent à la visibilité des poètes ont radicalement changé. La critique a d’ores et déjà relevé les liens inextricables qui existent entre numérique, performance et économie de marché (Nachtergael, 2020). Mais si les performances de poésie se multiplient, ce n’est pas simplement parce que les poètes sont contraint·es de se produire sur scène pour des raisons économiques ni seulement parce que le public et les institutions les enregistrent et les (re)diffusent, c’est aussi parce que les poètes eux·elles-mêmes se saisissent de la vidéo comme d’un levier pour mettre en valeur leur travail. Une scène numérique de la performance poétique émerge.
Les vidéos en ligne ont une forte influence sur la réputation des poètes. Le terme « réputation » rend compte du fait qu’une valeur esthétique est attribuée au travail d’un artiste2. La réputation regroupe deux catégories distinctes : la reconnaissance (« recognition ») et la renommée (« renown ») (Engel Lang et Lang, 1988). La reconnaissance désigne la réputation établie au sein d’un champ, dans le « monde de l’art » (Becker, 2010 [1982]) correspondant. La renommée renvoie quant à elle à la réputation acquise par un·e artiste au-delà du champ dans lequel il·elle s’inscrit3. Ce dernier phénomène, par définition le plus patent, suppose la présence des poètes hors du cercle restreint des happy few qui compose le public de la poésie contemporaine.
La vidéo est à la fois une nouvelle modalité de présence des performances et un objet qui restructure la manière dont celles-ci sont pensées, créées, diffusées et utilisées. Elle intervient dans la formation de la réputation des artistes à plusieurs moments clés. L’objectif du présent article n’est pas d’analyser le caractère potentiellement artistique des vidéos de performance, tantôt considérées comme des prolongements de l’œuvre, tantôt comme des œuvres à part entière, mais plutôt d’étudier la place qu’elles prennent dans la trajectoire sociale ascendante des auteur·trices. Nous nous bornerons ici à étudier deux cas paradigmatiques : d’une part, celui où les nouveaux·elles entrant·es investissent le médium vidéo pour obtenir une certaine reconnaissance; d’autre part, celui où le succès des vidéos de performance accompagne la renommée d’un·e artiste.
La reconnaissance est chronologiquement antérieure à la renommée et conditionne étroitement son obtention (Dubois, 2008). Toutefois, la diffusion des vidéos de performance poétique sur Internet est un phénomène récent : les auteur·trices qui ont acquis une certaine renommée sur la Toile ont commencé à se produire avant la massification du Web. Il·elles ont considérablement influencé les générations qui entrent aujourd’hui sur la scène poétique et qui entendent y gagner une certaine reconnaissance. À la croisée d'approches esthétiques et sociologiques, nous présenterons le rapport des vidéos de performance poétique avec la renommée dans un premier temps, puis leurs liens avec la reconnaissance dans un second temps. En cela, nous suivrons l’histoire de la littérature, et non la chronologie des trajectoires individuelles. Enfin, à travers un aperçu des vidéos nativement numériques, nous analyserons les enjeux du déplacement des lieux de sociabilité poétiques vers le Web. Ces objets d’un genre nouveau mettent au jour des tensions dans le champ et renouvellent les rapports entre public, scène et processus de légitimation. Ils font émerger des esthétiques et des pratiques de présentation de soi qui, dans le champ poétique, étaient jusqu’alors tacitement proscrites.
Les voies de la renommée : les performances de Christophe Tarkos sur YouTube
Je gonfle, vie d’une performance à travers l’histoire des médiums
Plusieurs fantômes de poètes notables errent sur YouTube. Parmi eux, Christophe Tarkos et Ghérasim Luca sont sans doute les plus médiatisés. « Tout le monde connaît Tarkos – en tout cas au moins les 28 392 personnes qui ont vu “Je gonfle” sur YouTube au 13 mars 20194 » (Quintane, 2019 : 9), écrit Nathalie Quintane dans la préface de Le petit bidon et autres textes. La performance à laquelle elle fait référence date du 7 mai 1998. Tarkos s’est produit à l’occasion d’un cycle de performances, les soirées Hiatus, organisées par Joël Hubaut entre octobre 1996 et juin 1998 au Fonds régional d’art contemporain (Frac) Normandie à Caen. Christophe Bouder, David Dronet, Olivier Talouarn, Stephano Zanini et la Station Mir y assuraient l’image, le son et la régie de plateau. Comme celle des autres participants, l’intervention de Christophe Tarkos a été filmée. Lors de la publication des performances dans un premier DVD, le choix des séquences a été effectué par Thierry Massard. Talouarn s’est chargé du montage et de la postproduction (Hubaut, 2003).
Voir une captation (YouTube) d’une série de performances effectuées par Christophe Tarkos le 7 mai 1998 à Caen au Frac Normandie Caen :
www.youtube.com/watch?v=KGW5dxXZFTY&t=66s&ab_channel=Jean-PaulHirsch
La captation a peu de choses à voir avec la performance initiale : elle n’en est que la trace numérisée. Pourtant, son succès est immense et ne se dément pas. Aux plus de 28 000 vues que comptabilisait Quintane en 2019, il faut en ajouter 26 000 pour parvenir aux 54 000 recensées par YouTube en août 2022, soit une moyenne de 23 à 24 clics par jour ces trois dernières années. Peu de poètes contemporain·es peuvent se targuer d’une telle audience. Mais avant cette diffusion massive sur le Web, la captation du 7 mai 1998 a eu plusieurs vies; elle a été publiée sur divers médiums. Les différents niveaux de publication de la vidéo sont autant d’étapes qui accompagnent l’entrée de Tarkos dans une certaine littérature légitime et qui lui ont permis, à titre posthume, d’élargir son public.
La performance du 7 mai appartient au vaste espace de la « littérature exposée » (Rosenthal et Ruffel, 2010). Elle reparaît sous forme de captation dans un DVD réalisé avec l’aide du Frac Normandie Caen par Joël Hubaut (2003). Quelques années plus tard, elle intègre le second volume posthume des œuvres de Tarkos, L’enregistré : performances, improvisations, lectures (2014). La performance y devient (aussi) un poème pour la page. Après la sortie de L’enregistré, la captation de la performance est publiée par Jean-Paul Hirsch sur sa chaîne YouTube. La diffusion sur Internet a un impact tangible : la vidéo, en accès libre et gratuit, gagne un nouveau public. Des professeur·es officiant dans des écoles des beaux-arts et dans des facultés tournées vers la création littéraire l’utilisent pour proposer une introduction à la poésie contemporaine et au travail de Tarkos à leurs étudiant·es. En 2022, les performances de Tarkos entrent dans des lieux d’exposition institutionnels. Au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur (Frac Paca), pour la rétrospective monographique organisée à l’occasion de la sortie de Kilo et autres inédits (2022), plusieurs performances de Tarkos sont projetées. Je gonfle n’y figure pas. Et pour cause : la performance est supposée connue des visiteur·euses, par l’intermédiaire des vidéos en ligne. En faisant entrer les vidéos de performance dans un espace d’exposition, les institutions leur confèrent une légitimité certaine. La remédiation est une condition nécessaire à la postérité de la performance, mais elle se fait au prix d’une décontextualisation radicale.
Derrière la captation vidéo, contexte d’une soirée Hiatus
Seules cinq minutes de film subsistent dans la vidéo YouTube, alors qu’un enregistrement sonore de l’intégralité de la soirée a été effectué5. Sur Internet, rien n’indique que Christophe Tarkos partageait la scène avec deux plasticiens, Joël Ducorroy, notamment connu pour son travail sur plaque minéralogique, et Saverio Lucariello, artiste d’origine italienne qui a également produit de nombreuses vidéos. Or leurs interventions sont nécessaires pour comprendre celle du poète. Hubaut déclare avoir établi la programmation des soirées Hiatus entre octobre 1996 et juin 1998 à Caen « en interfaçant les pôles à partir de 3 invités toujours choisis dans un frottement “infra-mince” entre incompatibilité et connivence » (Hubaut, 2003). Ce n’est pas un vain mot. Ducorroy, qui inaugure la soirée, en donne aussi le ton pince-sans-rire. Après avoir été présenté comme un artiste sérieux, un artiste de bureau, peu bavard, Ducorroy, en costume bleu marine et en chemise blanche, présente son travail. Il s’est fait une spécialité de remplacer des éléments et des objets du quotidien par des termes descriptifs ou fonctionnels correspondants (« motif », « pelouse », « cadre », « cactus »). Pour justifier le choix du travail sur plaque minéralogique, il affirme simplement, sous les rires du public : « Je suis un artiste fainéant. Moins j’en fais, mieux je me porte » (Ducorroy, cité dans Hubaut, 2003). Nul doute que pour le public du 7 mai, le principe de substitution utilisé par Ducorroy apporte une compréhension particulière de la performance de Tarkos intitulée Tambour & tombola : « Au lieu de dire par exemple “oh le beau tambour mou j’ai bien envie de toucher ce beau tambour mou” on dirait […] “je vais à la tombola” […] [p]arce que ça me semble assez proche “tambour” […] et “tombola” » (Tarkos, 2019 : 35).
Le plan poitrine centré sur Tarkos, que l’on voit tantôt de profil, tantôt de trois-quarts, ne permet de saisir qu’un pan très limité de la scène elle-même. Les rires qui fusent à intervalles réguliers laissent deviner un public restreint, mais réactif. Certains plans pris pendant l’intervention des deux plasticiens et conservés sur le DVD des soirées Hiatus donnent quelques aperçus de la configuration de la salle et reflètent l’aspect convivial de la soirée.
Faire œuvre sur la Toile à titre posthume : classicisation et renommée
Jusqu’ici, les auteur·trices associé·es à l’expérimentation poétique, dont Tarkos fait partie, avaient moins de chance que leurs homologues lyriques d’accéder à la renommée (Dubois, 2011). Il·elles étaient cantonné·es à l’obtention de la reconnaissance par leurs pairs. L’essor du numérique tendra peut-être à inverser les tendances. La publication de la vidéo de Tarkos sur YouTube, parce qu’elle a été précédée par une édition critique puis redoublée par une anthologie destinée au grand public, augmente les chances de Tarkos d’accéder au panthéon littéraire. Il est d’ores et déjà accueilli dans le monde universitaire : à l’heure actuelle, pas moins de cinq thèses lui sont au moins partiellement consacrées, dont deux ont déjà été soutenues (Lacire, 2020; Szabó, 2021). Au moins trois sont en cours de rédaction6. L’artiste a également fait l’objet de plusieurs essais monographiques (Christoffel, 2017; Proulx, 2020).
La démultiplication des vidéos sur Internet, au moins autant que la conservation des fonds à l’Institut Mémoires de l’édition contemporaine (IMEC), permet à Tarkos de remplir deux autres conditions sine qua non d’accès à la postérité : la préservation des œuvres sous forme d’archives (Engel Lang et Lang, 1988) et l’accessibilité au plus grand nombre, jusqu’ici prise en compte dans les études sociologiques par le biais des publications au format poche (Dubois, 2008; 2011). Tarkos, au panthéon littéraire? Pour Stéphane Bérard, « [e]n vrai… Il était pas contre » (Bérard, cité dans Poivet, 2022 : 80; souligné dans le texte). La scène originelle de la performance effectuée en 1998 à Caen était réservée à un cercle restreint. La « remédiation » (Bolter et Grusin, 1999) de la captation sur Internet assure quant à elle la perpétuation de l’œuvre, requise pour qu’une classicisation ait lieu. Elle est devenue un document iconique qui subsume l’ensemble de l’œuvre du poète. C’est un cas de figure fréquent dans l’histoire des performances artistiques : la sélection par le vide est une conséquence inévitable de la classicisation des auteur·trices. Définie comme le « résultat d’un processus de réception par l’institution littéraire », la classicisation est un « générateur d’effets différentiels » (ibid. : 24). Elle passe par une « modélisation formelle » dans laquelle « sont privilégiées les données qui relèvent de la cohérence interne des textes, et non celles qui concernent leur implication dans leur présent » (ibid. : 21).
La réception témoigne de manière flagrante du déplacement du statut ontologique de la performance. Stéphane Bataillon parle de Je gonfle comme du « texte le plus célèbre » (Bataillon, 2019; nous soulignons) de Tarkos. Or, précisément, la performance initiale, quoique captée et envisagée comme telle par le poète, est un événement singulier, construit avec le public présent dans la salle. C’est la présence même du public, ses réactions, qui occasionnent le dérapage incontrôlé de Tarkos, le débordement subit de son rire. Certain·es regrettent la « modélisation formelle » de la production du poète. Quintane déplore ainsi l’appauvrissement de son œuvre, souvent réduite à la captation de Je gonfle et au repérage de stylèmes fondés sur la répétition7 (entretien du 15 juin 2022). Flottant hors du temps, politiquement et historiquement neutralisée, la performance de 1998, transformée pour un nouveau public en texte et en vidéo, est devenue un objet anthologique.
La révolution numérique n’a pas seulement transformé les modalités posthumes d’accès à la renommée. Elle a également changé la manière dont les artistes eux·elles-mêmes appréhendent la création poétique et la diffusion de leurs œuvres. Les captations de Tarkos, effectuées à l’aube d’Internet, n’ont acquis une célébrité qu’a posteriori. Aujourd’hui, en amont même du travail d’écriture, en amont des soirées de lecture et de performance, les poètes ont conscience des bénéfices qu’il·elles peuvent tirer d’une remédiation sur Internet.
Les vidéos de performance, un moyen d’accéder à la reconnaissance pour les jeunes poètes?8
Exister sur Internet : un chemin de traverse?
Les poètes issu·es des générations Y et Z ont grandi avec le numérique. S’il·elles l’envisagent comme un espace de création à part entière, un lieu de tests et d’expérimentations, il·elles l’utilisent aussi comme un outil permettant d’accroître leur visibilité. Comme Rim Battal, Selima Atallah consacre l’une des collections de son compte Instagram (@selima.a.poesie) aux performances de poésie : « Je ne veux pas d’une poésie cloîtrée dans sa tour d’ivoire, je la veux exigeante mais accessible au plus grand nombre et les réseaux sociaux sont donc un terrain nécessaire » (Atallah, citée dans Marouani, 2022), affirme-t-elle.
Pour Benoît Toqué, les vidéos mises en ligne sur YouTube et Vimeo sont un moyen de rendre compte de son travail à un public anonyme. Elles sont aussi des supports facilement diffusables qui alimentent les dossiers créés à l’intention des professionnel·les du monde culturel (programmateur·trices, jurys, commissions). « Si je candidate à une résidence, qu’on me demande mon parcours, une bibliographie exhaustive, je mets les vidéos9 », déclare l’auteur d’Habiter outre (2020) (Toqué, entretien du 7 février 2022). En novembre 2017, il a été invité par Magali Brazil au festival MidiMinuitPoésie de Nantes alors qu’il n’avait publié que peu de textes dans des revues et aucun livre. Toutefois, des vidéos de ses lectures et de ses performances circulaient déjà sur la Toile. Selon lui, il est donc probable que la programmatrice ait pris connaissance de son travail par ce biais. Julien d’Abrigeon, membre du collectif BoXoN et principal acteur de Tapin2 (tapin2.org), l’un des premiers sites Internet consacrés à la poésie sonore, rapporte qu’au début de sa carrière littéraire, le poète lui avait envoyé des vidéos10. Il avait ainsi pu bénéficier d’une présence numérique dans un espace de référence pour le champ qu’il comptait investir et auquel il se sentait appartenir.
Pour les auteur·trices qui entrent en poésie, les vidéos permettent d’accéder à une première forme de publication. Destinées à un public plus ou moins anonyme, elles contournent les gatekeepers que sont les maisons d’édition. Elles peuvent aussi être adressées à des personnes ou à des instances ayant une position clé. La publication sur Internet joue donc désormais un rôle semblable à celui des revues papier, tout en restant plus facilement accessible et manipulable que ces dernières.
Se faire valoir, se voir : la plus-value des performances en ligne
Les vidéos de performance font désormais partie du « portfolio numérique » (Jeanne-Perrier, 2013) des auteur·trices. Lorsqu’elles sont montées, elles produisent un nouvel objet artistique. Elles ne sont plus (seulement) pensées pour un public qui se tiendrait en chair et en os devant les artistes, mais (aussi) pour des vidéonautes. Elles sont conçues pour une nouvelle scène numérique. Dans une vidéo intitulée « Morceaux de performances » (2020), Annabelle Verhaeghe met ainsi à profit le montage pour donner à voir la diversité de sa pratique. Sur son site Internet, elle publie un portfolio où figurent des liens vers ses performances, accessibles en ligne sur YouTube.
Se voir en vidéo a posteriori constitue également pour les artistes un moyen efficace de prendre conscience de la manière dont leur corps apparaît dans l’espace face au public. L’œil de la caméra crée une distance entre soi et son image. À partir de cette nouvelle perspective, les poètes tâchent de rectifier leur attitude. « Je crois que j’ai appris plein de choses sur mes défauts en regardant mes vidéos » (Toqué, entretien du 7 février 2022), confie Toqué. « C’est aussi une manière de s’améliorer. […] Parfois, j’écoute un enregistrement qui a été fait et je me dis : il ne faut plus faire ça, ça ne marche pas. La prochaine fois, il faudra que tu fasses autrement » (idem), poursuit-il. Victor Malzac rapporte une expérience semblable :
Quand je fais des lectures, que ces lectures sont filmées et qu’elles sont mises en ligne, quand je les revois, j’arrive à comprendre mes mécanismes, mes problèmes. Ça m’aide à travailler pour la suite. […] Quand tu es en lecture, tu ne te rends pas compte, parce que tu stresses, parce que tu habites un espace. Tu es dans une bulle. Du coup, quand tu te vois en vidéo en train de lire, tu saisis tout de suite11 (entretien du 10 février 2022).
Les vidéos en ligne font alors office de brouillons pour une version postérieure de la performance in praesentia. Dans certains cas, le fait de se voir va jusqu’à influencer l’écriture des recueils à venir :
Dans mon premier livre, je ne bégayais pas. Un peu, mais pas énormément. Alors que c’est devenu très important dans Dans l’herbe. Et maintenant que je me suis vu lire Dans l’herbe en bégayant, j’ai envie de crier. Donc pour mon prochain recueil, je crie. Ça change ma manière d’aborder les textes en cours (idem).
Mais il serait faux de croire que la scène numérique de la performance a acquis une quelconque primauté sur la performance in praesentia. La plupart du temps, ces deux pratiques se complètent et se juxtaposent sans être mutuellement exclusives. Elles ne correspondent pas aux mêmes fonctions ni aux mêmes enjeux.
Pour comprendre l’émergence des vidéos, il faut dépasser les quatre paramètres ontologiques proposés par David Zerbib – qui précise toutefois que « “la” performance n’existe pas » et qu’elle se contente de dresser les contours d’un « cadre vide » (2013 : 197). Les performances ne doivent pas seulement être envisagées sous un angle artistique et esthétique, elles doivent également être étudiées d’un point de vue fonctionnel et sociologique. Elles jouent un rôle capital dans les carrières. Les auteur·trices se prêtent désormais à l’exercice sachant qu’une remédiation sur la Toile aura potentiellement lieu. Les artistes n’envisagent cependant pas les performances d’abord ou uniquement comme des outils promotionnels. Verhaeghe insiste sur ce point : « Pour moi, la vidéo est une fin en soi, la performance ou le livre aussi. En fait, chaque œuvre peut avoir son médium selon ses enjeux (de diffusion, esthétiques…) » (correspondance privée, message du 3 juillet 2022).
Un travail gratuit
Est-il réellement à la portée de tout un chacun de concevoir, de filmer et de diffuser ses vidéos de performance? Si les outils de captation se sont étendus et généralisés avec la banalisation des téléphones intelligents et l’entrée des caméras miniaturisées sur le marché du matériel grand-public, les standards de qualité ont aussi évolué. Produire des vidéos a un coût : le matériel reste onéreux; l’activité, chronophage. Selon Quintane, « le fait qu’une institution dans laquelle on vient lire et performer archive et filme la performance ou la lecture de poésie est devenu systématique, ou en tout cas très régulier, à partir du début des années 2000, donc d’Internet12 » (entretien du 15 juin 2018). Pour tout un pan de la littérature contemporaine qui fait la part belle à la scène, la captation des performances est aujourd’hui un passage obligé. Pourtant, les auteur·trices encore peu connu·es et donc peu invité·es ne bénéficient pas de cet archivage « systématique » ou « régulier ». Une partie des captations leur demande un investissement conséquent.
« Dans les années à venir, j’aimerais bien prendre le temps de faire une page YouTube, de faire des vidéos officielles, que j’ai produites. Des espèces de petits courts-métrages » (Malzac, entretien du 10 février 2022), déclare Malzac. Pourquoi ne pas en avoir fait jusqu’ici? « Je ne le fais pas, parce que je n’ai pas le matos et que je ne prends pas le temps de le faire » (idem), explique-t-il. Marie-Anaïs Guégan, poète et chercheuse prenant activement part à la « LittéraTube » (Bonnet, 2018; 2019), constate également que le matériel acheté au fil des ans pour alimenter sa chaîne lui a coûté une somme non négligeable13. En espérant tirer parti d’une visibilité accrue sur le Web, les jeunes poètes fournissent un travail gratuit ayant valeur d’investissement sur le long terme.
À cet égard, la scène numérique de la performance a de nombreux points communs avec l’essor de la bande dessinée sur Internet. Le blogue de bande dessinée « est considéré à juste titre comme une chance pour de jeunes auteur·e·s de se faire connaître auprès d’un large public en court-circuitant les barrières à l’entrée du champ éditorial », mais « il autorise par ailleurs le transfert d’une part du travail éditorial en direction des auteur·e·s » (Seiler-Juilleret et Gaffiot, 2017 : 328). Il induit un « risque de banalisation de cette forme de travail gratuit, qui serait alors constitué en “passage obligé” avant l’accès à l’édition traditionnelle et à la rémunération » (ibid. : 329). Ce constat, valable pour les vidéos de performance poétique, ne fait que renouveler les observations déjà effectuées dans d’autres secteurs, notamment celle des liens pervers entre travail numérique (digital labor), travail gratuit effectué dans l’espoir d’accéder à une position plus pérenne (Simonet, 2018).
Performances sans coprésence : des enjeux idéologiques, politiques et esthétiques
Déplacement des lieux de sociabilité
En amont et en aval des performances in situ, il est fréquent que le public, composé majoritairement d’autres artistes, retrouve les poètes pour échanger dans un cadre informel. Moments de rencontre privilégiés, les performances mettent en contact les libraires, les éditeur·trices et les poètes. Elles contribuent fortement à la promotion et à la diffusion des œuvres dans un secteur économiquement précaire. En outre, elles sont une source de capital social nécessaire à l’avancement des carrières. La manière dont les poètes fréquentent les lectures et les performances dépend de leur place dans le champ. Les poètes non établi·es sont ceux·celles qui assistent le plus souvent aux lectures. En se montrant assidu·es, il·elles entrent dans l’économie du don qui caractérise le milieu poétique (Craig et Dubois, 2010 : 449; 453). En outre, parce qu’elles mettent en avant l’amour de l’art et le plaisir de partager un moment convivial, les lectures et les performances fournissent un moyen efficace de concilier l’ethos du désintéressement propre au champ de production restreinte et les contraintes financières tangibles auxquelles il doit faire face (ibid. : 448-450).
Bien que les performances effectuées en chair et en os devant un public jouent un rôle crucial, de plus en plus de vidéos de performance sont nativement numériques. Pensées d’emblée pour le Web, elles ne sont pas de simples remédiations. C’est aussi le cas de la quasi-totalité des productions regroupées sous le terme « LittéraTube » et d’une grande partie des vidéos YouTube de Charles Pennequin, dont Gaëlle Théval (2019) a explicité les enjeux. Les vidéos de performance nativement numériques déplacent les lieux de sociabilité vers les réseaux sociaux. Elles ont des conséquences sur la sociologie du champ, mais elles ont aussi des implications esthétiques majeures.
La LittéraTube, entre esthétique du bricolage et légitimité institutionnelle
Tout en revendiquant un certain amateurisme technique et une esthétique du bricolage, les LittéraTubeur·euses expriment la volonté de s’identifier pleinement en tant qu’auteur·trices, et non pas simplement en tant qu’écrivain·es amateur·trices (Riguet, 2022). Les commentaires, les partages, les tags et la mise en valeur de liens interpersonnels sont autant de modalités utilisées par les auteur·trices pour pallier le déficit d’échanges in praesentia.
Cette position ambivalente – bricolage et auctorialité – n’est sans doute pas étrangère à la forte assise institutionnelle dont bénéficie la LittéraTube. La notion a été portée par des universitaires. Gilles Bonnet (2018; 2019), qui a forgé le terme, l’a soutenue avec Erika Fülöp et Gaëlle Théval pendant le festival Extra! au Centre Pompidou en 201814. Deux mois plus tard, une première journée d’étude organisée par Gilles Bonnet et Florence Thérond s’est tenue à la Maison des Sciences de l’Homme de Lyon St-Étienne (La LittéraTube : une nouvelle écriture?15). En 2022, les 1ères rencontres nationales YouTube & littérature se sont déroulées à Évry et un site Internet spécifique a été créé : litteratube.net. François Bon, qui fait figure de pionnier et de mentor dans le cercle des LittéraTubeur·euses, cumule des positions dans l’édition, dans le champ académique et bénéficie de la légitimité apportée par ses nombreuses publications papier aux éditions de Minuit. La « multipositionnalité » (Boltanski, 1973) des acteur·trices de la LittéraTube a une incidence non seulement sur la manière dont il·elles appréhendent leurs pratiques, mais aussi sur l’esthétique des objets produits. La LittéraTube reste à ce jour un secteur de niche, comme l’est aussi, à plus grande échelle, la littérature expérimentale numérique (Nachtergael, 2020). Sur des plateformes moins étroitement liées au champ universitaire, des pratiques différentes émergent.
Instagram : guerre de positions ou clivage générationnel?
Des auteur·trices apparenté·es au champ de la poésie expérimentale né·es entre 1960 et 1970, comme Anne-James Chaton, Christophe Fiat et Charles Pennequin, s’emparent des plateformes de partage en les détournant de leurs usages habituels. « En tant que lieu “à la mode” », Instagram est « parasité par des pratiques technopoétiques à la performativité éminemment critique » (Théval, 2021). On y trouve la trace de la « poésie-virus » (Hanna, 2002 : 22-25) que Christophe Hanna appelait de ses vœux et identifiait déjà chez quelques-un·es de ses contemporain·es il y a vingt ans. Ces auteur·trices se situent bien loin d’une « #instapoetry » empruntant à la veine lyrique et reconduisant souvent des stéréotypes romantiques éculés.
Mais qu’en est-il de l’usage des réseaux sociaux par les générations postérieures? « Instagram est sympa pour l’image, mais pas pour la vidéo » (Malzac, entretien du 10 février 2022), note Malzac. Certain·es en tirent parti. Dans sa série Le poème se porte bien (2022), Verhaeghe a su mettre à profit la valorisation des contenus iconotextuels d’Instagram et de Facebook. Elle renoue avec l’art conceptuel et la poésie visuelle tout en les reversant dans l’univers de la pop culture. Ses publications, à la fois poèmes, photographies, tableaux potentiels et traces de performances sont teintées d’un humour léger, décalé, volontiers fantasque. La plupart du temps, les plateformes demeurent néanmoins des vitrines et ne sont pas investies comme des lieux de création à part entière.
Des conflits esthétiques et idéologiques apparaissent. Théval distingue la « démarche d’auto-publication amateure » sur la Toile de « l’exploration critique d’un média » (2021). Selon elle, cette dernière est l’apanage des auteur·trices lié·es à l’expérimentation poétique et affilié·es aux avant-gardes. Cette partition n’est peut-être plus aussi tranchée aujourd’hui. Certain·es jeunes créateur·trices privilégient des contenus témoignant d’un certain professionnalisme technique. C’est le cas de Malzac, primé (Prix poésie de la Vocation) et publié à plusieurs reprises à compte d’éditeur (chez Cheyne et aux éditions de La Crypte). Il déclare : « Moi, j’aimerais faire une vidéo par an peut-être, mais que ça marche bien, que ça soit beau, que ça soit à la hauteur. Parce que c’est comme ça qu’on démocratise » (Malzac, entretien du 10 février 2022). Sa position est très éloignée de celle des poètes lié·es aux avant-gardes, qui assument ou revendiquent l’amateurisme technique. Son insertion sur la Toile n’a rien d’un « virussage » (Hanna, 2002). Au contraire, puisqu’il entend utiliser le numérique pour faire gagner à la poésie une plus large audience, il se plie aux normes en vigueur sur les plateformes. Certain·es n’ont pas manqué de le lui reprocher, le comparant à un entrepreneur confondant réussite esthétique et succès de communication.
Ces conflits ravivent d’anciens différends entre champ de grande production et champ de production restreinte. Ils sont révélateurs des nouvelles problématiques auxquelles sont confronté·es les poètes : en promouvant eux·elles-mêmes leur travail sur Internet, il·elles risquent de rompre le fragile équilibre qui permettait de concilier éthique du désintéressement et nécessité d’être visible. Dans les performances in praesentia, les aspects strictement marchands et promotionnels étaient délégués à des personnes tierces (programmateur·trices, libraires, éditeur·trices). L’avènement des vidéos nativement numériques contraint les poètes à chercher de nouveaux équilibres.
Pour une histoire numérique, sociologique et esthétique des performances de poésie
Pratiques artistiques à part entière, les performances n’en sont pas moins des outils de promotion qui interviennent à différentes étapes du processus de légitimation des auteur·trices. Depuis le milieu des années 2000, la remédiation des performances poétiques sur Internet a toutefois considérablement changé la donne.
Les performances effectuées à la fin du XXe siècle par Tarkos dans des cercles restreints sont désormais accessibles à tout un chacun. Quoiqu’elles soient décontextualisées, et de ce fait profondément incomplètes, elles donnent un aperçu des pratiques poétiques scéniques des années 1990. La mémoire de Tarkos étant particulièrement vive dans le champ poétique, ses captations ont pris une valeur quasi prescriptive pour les jeunes générations. Elles donnent le ton : « plasticage de l’esprit de sérieux […], comique contrôlé et parfois parodique, frivolité de façade » (Espitallier, 2011 [2000] : 18). Pour ceux·celles qui étaient trop jeunes pour assister à des performances dans les années 1990, l’atmosphère est désormais à nouveau palpable. Tarkos reste une figure de référence majeure. À titre posthume et malgré lui, il impose un certain ethos à adopter sur scène. Il ouvre le champ des possibles. Parmi les auteur·trices dont la présence numérique a une influence notable sur la jeune création, il faut également mentionner Ghérasim Luca, Charles Pennequin ou encore Bernard Heidsieck.
Les captations contribuent pleinement à la réputation des poètes, en particulier lorsqu’il·elles s’inscrivent dans le champ de la poésie expérimentale. La conservation de vidéos anciennes, captées avant même la généralisation d’Internet, étend au-delà de la sphère poétique la notoriété des performeur·euses déjà établi·es. C’est ce que nous avons tâché de démontrer en étudiant le cas de Tarkos. Les vidéos de performance ont fait leur entrée dans les salles d’exposition; en leur donnant ses lettres de noblesse, l’institution a fait des émules. De fait, aujourd’hui, les vidéos ne sont plus uniquement des documents d’archives consultés a posteriori, mais elles participent pleinement aux processus créatifs. En début de carrière littéraire, elles permettent aux jeunes poètes d’obtenir une certaine reconnaissance de la part de leurs pairs. Elles ont une place particulière dans les luttes qui organisent le champ littéraire et ont valeur de prise de position.
Avec ce bref état des lieux, nous souhaitons mettre en avant la nécessité d’étudier les implications esthétiques et sociologiques des performances de poésie sur Internet. Dans la mesure où elles entraînent le plus souvent une décontextualisation des performances, les vidéos demandent qu’un travail de recherche et de transmission soit mis en place. Pour toutes les personnes qui habitent loin des métropoles, l’accès aux performances in praesentia demeure complexe, sinon impossible. Internet est leur seul moyen d’accéder à ces productions. Toqué, qui est originaire de la région Auvergne-Rhône-Alpes et qui a découvert la littérature contemporaine lors de sa licence de lettres à Paris VIII, affirme : « En habitant à Chambéry, j’aurais peut-être pu découvrir la poésie contemporaine, découvrir que certain·es auteur·trices font des lectures, mais je n’aurais pu le découvrir que sur Internet. Je n’aurais pas pu en voir, parce qu’il n’y a pas de lectures à Chambéry » (entretien du 7 février 2022).
Ce travail a été amorcé dans de nombreux pays. Sur le territoire nord-américain, Kenneth Goldsmith (UbuWeb16) et l’Université de Pennsylvanie (PennSound17) ont été précurseurs. En France, plusieurs projets ont pris le relais : Patrimoine sonore de la poésie18 (OBVIL, Sorbonne Université) a été lancé par Michel Murat, puis repris par Abigail Lang sous le titre Archives sonores de poésie19. « Archipel20 » (ARCHIves de la Performance Littéraire) est piloté depuis Lyon III par des membres de l’équipe MARGE, Benoît Auclerc, Gilles Bonnet et Gaëlle Théval. LiFraNum (LIttérature FRAncophone NUMérique : pratiques et communautés de production, de lecture et d’analyse critique), projet construit également autour de l’équipe MARGE à Lyon III et avec l’aide du laboratoire en informatique ERIC à Lyon II, « se propose d’identifier et de stabiliser le corpus des productions littéraires francophones nativement numériques » (MARGE, s.d.). Enfin, à l’initiative d’Anne Dreyfus, qui a fondé en 2006 Le Générateur, espace de création situé à Gentilly et consacré à la performance, un site devrait voir le jour au début de l’année 2023 : « Performance sources21 ». Il mettra notamment en valeur le travail des artistes qui se sont succédé·es dans ce lieu.
Pour mener à bien ces projets, une histoire transversale et pluridisciplinaire de la poésie depuis les années 1990 reste à écrire. Celle-ci devra prendre en compte la normalisation des performances, l’arrivée du numérique ainsi que les nouvelles configurations socio-économiques du champ littéraire.
Couverture : Exposition Tarkos poète, extrait de La vie fait un long poème (1994) de Christophe Tarkos. Frac Paca, Marseille (France), 2023. Photographie d'Heiata Julienne-Ista.
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- 1. Le développement récent des performances poétiques en live, en particulier sur Twitch et Instagram, tend à faire vaciller ce dernier rempart. Le collectif PAN!21, créé par Arthur Scanu et Malo Patron, a par exemple organisé une performance sur Twitch autour du jeu vidéo Fable le 25 novembre 2020. Trois jeunes poètes, François Bétremieux, Ariane Lefauconnier et Victor Malzac, étaient invité·es à lire des textes écrits pour l’occasion. Pendant les lectures, les vidéonautes suivaient les déambulations d’un avatar dans l’univers du jeu. Le live a été enregistré puis mise en ligne sur YouTube : www.youtube.com/watch?v=9XM5cVEGmV0&ab_channel=PAN%2121
- 2. Nous suivons en cela Sébastien Dubois et Pierre François (2013 : 501‑504), qui préfèrent la notion de « réputation » à celles, semblables, de « capital symbolique » (Bourdieu, 1972), de « prestige » (Verboord, 2003) et de « qualité » (Ginsburgh, 2003) esthétique. De ce fait, eux-mêmes adoptent la notion le plus utilisée par leurs collègues sociologues à l’international.
- 3. Pour une perspective bourdieusienne des notions de reconnaissance, de légitimité et de consécration, nous renvoyons à la mise au point que propose Paul Dirkx (2017). Alain Viala (1993) distingue quant à lui légitimation, émergence, consécration, perpétuation et classicisation.
- 4. Contrairement à ce que pourrait laisser penser la déclaration de Quintane, le nombre de clics enregistré par YouTube n’est pas égal à celui des visiteur·euses uniques. La somme des « personnes » ayant vu la vidéo est donc vraisemblablement très inférieure.
- 5. Enregistrement de la bande-son complète de la soirée par la Station Mir (Castellin, 2014 : 307).
- 6. Nathan Lahire a commencé en mars 2022 une thèse monographique sur le poète : « Christophe Tarkos : les relations nécessaires. Expériences biographiques, schèmes de pensée, schèmes d’écriture » à l’Université Polytechnique Hauts-de-France sous la direction de Vincent Vivès. En septembre 2021, à l’Université de Cergy-Pontoise, Léo Dekowksi a commencé à travailler sur « L’idée de facilité dans la poésie française du XXe siècle » sous la direction de Jean-François Puff. Il y étudie, entre autres, la production de Christophe Tarkos.
- 7. Ces informations sont issues d'un entretien téléphonique avec Quintane dans le cadre d’un travail de thèse.
- 8. Dans cette section, il est fait référence à plusieurs entretiens menés avec des auteur·trices en février 2022 dans le cadre de notre travail de thèse. Deux d’entre eux ont été synthétisés sous la forme d’une vidéo documentaire : www.youtube.com/watch?v=gU_HY__xnus&ab_channel=HeiataJulienne-Ista. Cette section a été diffusée pour la première fois le 17 mars 2022 lors du colloque L’archive comme lieu d’expérimentation : construction, création, performance, organisé par Benoît Auclerc, Gilles Bonnet, Agnès Curel et Ross Louis. Une captation complète de la communication a été faite, incluant la présentation de la vidéo et le moment d’échange qui a suivi (Julienne-Ista, 2022).
- 9. Entretien effectué le 7 février 2022 à Gentilly dans le cadre d’un travail de thèse. Retranscription à partir de l’enregistrement audio.
- 10. Explications de Julien d’Abrigeon à la suite de la diffusion de la vidéo documentaire « L’archive comme lieu d’expérimentation : construction, création, performance » le 17 mars 2022 à Lyon. Sa prise de parole intervient à la 27e minute (Julienne-Ista, 2022).
- 11. Entretien effectué à Paris dans le cadre d’un travail de thèse. Retranscription à partir de l’enregistrement audio.
- 12. Entretien téléphonique effectué dans le cadre d’un mémoire de recherche de master 2. Retranscription à partir de l’enregistrement audio.
- 13. La chaîne YouTube de Marie-Anaïs Guégan (www.youtube.com/c/Miettes) est également référencée sur le Répertoire des chaînes YouTube et littérature (litteratube.net). Elle a commencé en 2018 une thèse sous la direction de Gilles Bonnet : « Forums d’écriture en ligne. Écrire sur le Web : dispositifs d’écriture, auctorialité et poétique des textes ».
- 14. www.centrepompidou.fr/fr/programme/agenda/evenement/caEoMKG
- 15. www.fabula.org/colloques/sommaire6252.php
- 16. www.ubuweb.com/
- 17. writing.upenn.edu/pennsound/
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