Sur scène, il y a un ou deux microphones; alentour, debout et assises, quelques dizaines de personnes1. À tour de rôle, mais sans y être contraintes, elles mettent en voix ou en gestes un texte, puis observent les autres. Chacune d’elles fabrique pour soi et pour autrui une expérience esthétique partagée. Le dispositif du micro-libre de poésie implique qu’il n’y a ni programmation ni compétition. La parole poétique n’est à aucun moment réservée à un groupe présélectionné : aucune instance de médiation n’interfère directement dans la sélection de celleux qui performent, et personne n’est là pour entendre une prestation en particulier.
Si tout le monde participe au spectacle, chaque individu s’y engage d’une façon différente. Un « silence d’or » surgit en de très rares occasions. La plupart du temps, les performances sont rythmées par des chuchotements dispersés dans le public, par des déplacements entre les tables, les toilettes, la devanture et le comptoir lorsqu’il s’agit d’un bar, ou encore par des altercations entre le public et la scène. C’est ce brouhaha que j’ai tout de suite trouvé fascinant, voire apaisant.
Silence, laissez la bourgeoisie lire en paix
Dans le monde occidental, nous avons tendance à préciser que nous lisons « à voix haute », mais ne soulignons presque jamais que nous lisons « en silence ». La lecture silencieuse et solitaire est, depuis les commencements de la période moderne en Occident2, une norme intériorisée. L’enfant apprend à associer la lecture à une attitude, qui serait aussi celle du sujet attentif : un regard fixe, une posture calme, immobile et silencieuse. Néanmoins, cette attitude n’est pas naturelle à l’attention, qui a un caractère remuant. Comme l’explique Jean-Philippe Lachaux dans Le cerveau attentif : contrôle, maîtrise et lâcher prise, « maintenir son regard au loin en évitant de regarder autour de soi est sans doute l’expression la plus directe et la plus simple du contrôle de soi » (Lachaux, 2013 [2011] : 234), puisque l’attention est « plus facilement captée par des phénomènes mentaux qui se renouvellent à la vitesse qui lui convient le mieux, plutôt que par des évènements extérieurs plus statiques » (ibid. : 229). Contempler une peinture, assister à une pièce de théâtre, lire un roman sous-tendent une activité neuronale élevée, impossible à mobiliser indéfiniment. Les neurones consomment de la dopamine, et une fois qu’ils sont trop déchargés, leur performance diminue, et nous nous laissons distraire par notre environnement : « Être concentré, en l’occurrence, rester attentif, c’est simplement arriver à garder actif ce réseau de neurones » (Lachaux, 2014 : 118). L’attention soutenue et linéaire, qui définit la manière moderne de lire, requiert que « l’on discipline le corps, [selon] le rapport instrumental que l’on a établi avec lui » (Bödeker, 1995 : 112).
L’expérience littéraire, du point de vue des théories de la réception, reposerait moins sur la qualité des œuvres en elles-mêmes que sur la qualité de la relation qu’on entretient avec elles. Yves Citton avance que le surgissement de nos expériences esthétiques nécessite cette discipline du corps, ce « geste de conditionnement de l’attention » :
Il s’agit à la fois de s’isoler de toute stimulation sensorielle ou intellectuelle extérieure aux affections proposées par l’œuvre, d’accueillir celles-ci avec une attention maximale (aussi intense et aussi disponible que possible), et d’adopter face à ces affections une attitude d’interprétation active qui étudie de façon aussi pénétrante que possible le dispositif esthétique offert à l’attention (Citton, 2012 : 170; souligné dans le texte).
Si la littérature se situe en creux de tout langage, elle exige de plonger en eaux profondes pour y dénicher ce qui ne peut être perçu du premier coup. Jean-Marie Schaeffer parle d’« un retard de catégorisation, c’est-à-dire un retard dans l’activité de synthèse herméneutique (on accepte de ne pas comprendre “tout de suite”) » (Schaeffer, 2011 : 114). On s’entête à tenter patiemment de déplier le sens, de le façonner. L’esprit est autorisé à flâner, à condition que ces déambulations mentales nourrissent l’interprétation.
On pourrait supposer que la poésie en performance incarnerait d’autres postures d’accueil en ce qu’elle rassemble des acteurices, met en jeu des moyens (voix, geste, média) et s’inscrit dans des circonstances qui en forment le contexte (temps et lieu). C’est une action double (et réciproque) d’émission-réception, au sein de laquelle l’auditoire contribue à la production de l’œuvre de manière équivalente à la personne exécutante. Même lorsque l’œuvre ne réclame pas directement l’intervention du public, comme ce serait le cas pour la chanson à répondre, les spectateurices en modifient le cours, notamment en amenant l’interprète à s’écarter de la partition du poème, à ajuster sa voix et ses gestes à leurs réactions immédiates – rires, onomatopées, exclamations, expressions du visage, grognes, pleurs. Paul Zumthor l’observe magnifiquement :
La performance figure une expérience, mais en même temps elle l’est. Tant qu’elle dure, elle suspend l’action du jugement. Le texte qui se propose, au point de convergence des éléments de ce spectacle vécu, n’appelle pas l’interprétation. La voix qui le prononce ne s’y projette pas (comme le ferait la parole dans l’écriture) : elle est donnée, dans et avec lui, toute-présente; et pourtant, pas plus qu’elle, il n’est clos. Il récuse l’exégèse, qui n’interviendra qu’après sa mise par écrit, c’est-à-dire par sa mise à mort. Son sens n’est pas tel qu’une herméneutique « littéraire » puisse servir à l’expliciter car, foncièrement et dans l’acception la plus large du terme, il est politique. Il proclame l’existence du groupe social, en revendique (sans lui demander son avis) le droit de parole, le droit de vivre. Ce qui s’y investit, plus que des prétextes thématiques, c’est une volonté indiscrète, un cri vers l’autre, un désir de combler son attente d’ores et déjà complaisante mais qui veut être requise : ainsi peut-être se resserrera le lien, s’apaisera la menace, surgiront les forces cachées (Zumthor, 1983 : 234-235; souligné dans le texte).
Si la performance empêche une individualisation des corps, ce que le livre raffermirait, cela se fait au profit d’un corps social homogène ou, du moins, synchronisé. Zumthor voit là le principe même d’un vivre-ensemble apaisé et résilient. Les valeurs de la voix rendraient indiscernable la variété des effets qu’elles produisent : « Elles se cumulent en une impression globale et très forte : impression d’émergence de quelque puissance primitive, exigeante, aspirant à une sorte d’unanimité des corps et des cœurs » (Zumthor, 2008 : 173). Voilà donc une unité (individuelle) remplacée par une autre (collective).
Quelque chose dans la mécanique a changé. La poésie en performance nous placerait du côté des impressions plutôt que de la signification – bien que cette dichotomie reste critiquable (la sémiotique des affects, entre autres, la réfute de manière très convaincante). Mais cette différence semble en être une de façade. De théorie en théorie, j’ai remarqué comment la forme idéale de la poésie en performance dépend, elle aussi, d’une transmission pure et contrôlée. Sachant que son public en suit le fil sans possibilité de retour ou d’arrêt, l’interprète devrait, selon Zumthor, réussir à ce que « le message […] port[e] (quel que soit l’effet recherché) au premier coup » (Zumthor, 1983 : 126-127) en privilégiant une éloquence particulière, une aisance de diction et une puissance de suggestion. Le public, lui, s’efforcerait de se concentrer sur l’œuvre et le travail de l’interprète. Si l’écoute se relâche, ce moment de distraction est perçu comme l’indice d’un raté, qu’on situe du côté parfois de l’interprète, parfois du public. Joséane Beaulieu-April imagine
celui qui performerait un geste d’attention comme un être silencieux dont le regard se dirige vers le poète en train de lire ou, pourquoi pas, qui a fermé les yeux. Toute son attention est dans l’écoute de cette voix qui vient à lui, dans l’interprétation des mots qui s’enchainent, mais aussi du timbre de la voix, son rythme, sa chaleur, etc. S’il est possible de performer l’apparence de l’attention, le véritable geste d’attention est posture de disponibilité et d’accueil, il est aussi interprétation active (Beaulieu-April, 2017 : 73).
L’implication du public se réaliserait en accord avec la performance, dans l’écoute absolue d’une voix.
La situation performancielle allie les modalités du regard, de la voix et de l’écoute, voire de l’odorat et du toucher. Elle « ajoute la présence physique de l’auteur à la présence physique du texte; les deux se superposent puisque la réalité physique du texte (sa réalité sonore) n’a d’autre source et d’autre lieu que le corps de l’auteur présent-visible qui le prononce » (Gleize, 2015 : 239). C’est justement pour ne pas hiérarchiser chacun de ces sens que j’emploie l’expression « poésie en performance », et pour éviter d’invisibiliser des pratiques qui ne recourent pas à la voix, comme la poésie signée. Mais force est de constater que ce décentrement de la voix est rarement souhaité, au contraire. Ces régimes sensoriels sont, le plus souvent, placés en rapport de concurrence : « C’est tantôt le texte, tantôt l’auteur qui s’absentent. Il s’agit d’une double présence éminemment instable » (ibid. : 243). Cette alternance, suppose-t-on, entrainerait des pertes en surchargeant notre attention, qui parvient alors mal à se maintenir en une seule direction. À son tour, Jan Baetens soutient que « [l]a dissociation de ce qui se voit (beaucoup de choses) et de ce qui s’entend (pas grand-chose) est le danger majeur de la mise en scène du texte poétique » (Baetens, 2016 : 90). Plutôt que de penser les particularités d’une expérience littéraire au sein de laquelle la voix poétique (du texte) serait secondarisée, on s’évertue à concevoir des stratégies pour pallier ce déficit, qu’il s’agisse de fermer les yeux ou de carrément dissimuler la présence visuelle de l’interprète « au profit de la présence matérielle de l’écriture et de la seule voix de l’écrit » (Gleize, 2015 : 244). Effacer les corps en présence pour ne rendre saillante que la voix récitante me semble toutefois participer d’une stratégie pour préserver l’illusion d’une homogénéité collective. En faisant abstraction des histoires culturelles en chaque corps, on ne tient pas compte de ce que ces corps expriment en surplus du texte, avec lui, au-delà de lui, et parfois contre lui.
L’expérience esthétique moderne repose sur une relation d’intensivité (investissement qualitatif) au texte. Elle répudie toute relation d’extensivité (principe d’économie), dont l’ouverture, le dynamisme, la création de liens et le partage seraient le moteur. Il n’en a pas toujours été ainsi, et cela n’est pas survenu par hasard ou pour le mieux. Les théâtres parisiens, par exemple, accueillent un « public composé d’hommes chahuteurs à la réputation douteuse » (Boisvert, 2006 : 13) jusqu’au début du dix-septième siècle, époque où l’on tente d’assainir ces espaces pour qu’ils deviennent des lieux de sociabilité privilégiés par la bourgeoisie blanche. En 1697, une police du théâtre est constituée pour maitriser la foule distraite, tandis que des chaises sont installées au parterre à la fin du dix-huitième siècle et que les lumières sont éteintes une centaine d’années plus tard. La transformation du jeu des acteurices a aussi favorisé la scission entre la scène et la salle, et la prédominance du premier espace par l’imposition de la notion du quatrième mur. André Antoine exigeait de celleux jouant au Théâtre-Libre un parler naturel, qui nécessite une attention pleinement dirigée vers la scène. Le retranchement de la place de l’auditoire, en vertu de son potentiel participatif et turbulent, a bien été remis en question, notamment par Rousseau, qui privilégiait les fêtes populaires au théâtre, et par Diderot, qui se plaignait qu’on tempère les élans de sa sensibilité. Mais ces transformations ne se sont pas interrompues et, aujourd’hui, il est même souvent interdit de manger un bonbon au théâtre.
La bourgeoisie blanche a investi l’art pour s’en servir comme un marqueur de distinction sociale. Ce processus pluriséculaire de redéfinition de l’expérience esthétique est venu la rattacher à des dispositions intellectuelles, modifiant les cadres culturels par lesquels on l’appréhendait.
Que ce soit du côté des théâtres ou des musées, des bibliothèques ou des salles de cinéma, un réaménagement des espaces publics a été opéré afin de délimiter les territoires respectifs de la personne observant et de l’objet observé, de sorte que les individus, « à la fois solitaires et rassemblés » (Cavallo et Chartier, 1997 : 28), puissent se concentrer pleinement sur l’œuvre, tout en maintenant une distance intellectuelle. Dans ses ouvrages Techniques of the Observer (1990) et Suspensions of Perception (1999), l’historien de l’art Jonathan Crary étudie les enjeux du regard et de l’attention au croisement des discours esthétique et scientifique. Il constate qu’au dix-neuvième siècle, on commence à concevoir que le corps humain, dans toutes ses particularités et ses défaillances, n’est pas un récepteur passif de la sensation : il accueille et produit l’expérience sensorielle. Ce sont à ces effets d’intellection que s’intéressent la psychologie et les théories de la réception en arts. On cherche alors à discipliner le corps par de nouveaux moyens pour calculer et pour orienter l’activité de l’œil afin d’empêcher son égarement et d’accroitre sa productivité :
[S]i la société disciplinaire s’est originellement constituée à travers des procédures où le corps était littéralement confiné, physiquement isolé et enrégimenté, ou fixé sur place au travail, Foucault indique clairement qu’il ne s’agissait là que des premières expériences relativement grossières d’un processus continu de perfectionnement et d’affinement de tels mécanismes. Au début du vingtième siècle, le sujet attentif est l’un des facteurs déterminés par l’intériorisation des impératifs disciplinaires, les individus étant rendus plus directement responsables de leur propre utilisation, efficiente ou rentable, au sein de divers dispositifs sociaux. Les tentatives de la fin du dix-neuvième siècle pour déterminer les limites de l’attention « normative » faisaient certainement partie de cette transformation3 (Crary, 1999 : 73).
Ces normes ont été intériorisées au point qu’il est devenu inutile, pour reprendre cet exemple, d’employer une « police du théâtre ». Le public n’en a nul besoin; il se suffit pour assurer sa propre surveillance. Si un individu transgresse un code de conduite, il se fera rapidement rappeler à l’ordre par les autres.
La perception du monde étant ancrée dans un corps en proie à la distraction et à l’improductivité, c’est sur l’intériorité de ce corps qu’il fallait intervenir pour minimiser un rapport au réel incertain et désorganisé. On a dressé nos corps. Nous avons appris à les contrôler de manière à rester concentré·es sur notre travail, de l’école à l’usine, afin d’être en mesure de dégager les détails de ce que nous observons. Maitriser notre corps nous éloigne toutefois du monde en ce qu’il s’agit surtout de refouler nos émotions et de nous dissocier de notre environnement. C’est un apprentissage pratique si on veut éviter les révoltes, amoindrir la capacité d’empathie et rendre malades à en mourir les personnes précaires et marginalisées. Il n’est sans doute pas anodin que j’aie cité presque exclusivement des hommes blancs. L’attention soutenue s’est imposée comme un élément constitutif d’une subjectivité libre et créatrice. Son idéalisation est devenue l’un des moteurs principaux de la ségrégation sociale, puisque les personnes les moins susceptibles de correspondre à cette norme attentionnelle sont celles qui vivent dans les environnements les plus voués à la multisensorialité, à la pluralité et à la précarité.
Ce brouhaha venu des marges, on le rend responsable de l’érosion de notre attention collective et individuelle. On le dénonce autant qu’on le craint :
Si on se plaignait de la surcharge informationnelle dès la Renaissance (en reprenant parfois mot pour mot des lamentations traduites des auteurs latins), si un écrivain des années 1750 se sentait déjà submergé dans des flux de discours dénués de tout ancrage dans la vérité, c’est que, de tout temps, ceux qui se sont sentis investis de l’autorité propre à tenir des discours chargés de programmer de haut la vie sociale ont été inquiétés – dans leurs projets et dans leurs positions de pouvoir – par l’émergence de voix dissidentes, toujours perçues comme surnuméraires, chaotiques et désorientantes, parce que venant toujours « en trop » par rapport à leur seule version « autorisée » (Citton, 2014a : 29).
Les prises de parole et les pratiques de lecture concurrentes n’ont jamais cessé d’exister; elles ont cependant été considérées comme incompétentes. La lecture à haute voix renvoie, en règle générale, à l’analphabétisme, à un apprentissage en cours / inachevé ou à la spectacularisation de la littérature. Le plaisir et l’intérêt porté à la trame narrative sont, quant à eux, « présent[és] comme des qualités avérées de la femme » (Bödeker, 1995 : 105) et relèvent de l’oisiveté, d’un gout exagéré pour le divertissement. La critique moderne classe ces modes de réception dans la catégorie du trivial et les exclut de l’impératif esthétique. On prétend s’étonner que la littérature n’intéresse personne, et pourtant on s’assure qu’elle demeure une activité restreinte, dont les conditions sont impraticables ou inadéquates pour beaucoup.
Attention multiple et multiplicité d’expériences
En 2015, quand j’ai amorcé mes recherches sur les micros-libres de poésie, soirées auxquelles je prenais part depuis quelques années, je souhaitais théoriser des postures littéraires délestées des textes, vécues par le biais d’une expérience esthétique renonçant radicalement à l’attention soutenue si fortement défendue dans les théories modernes de la lecture. Je suis neurodivergente, ce qui fait que mon attention ne se module pas toujours comme je le voudrais, ou plutôt comme on m’a enseigné à le vouloir. Je suis particulièrement sensible aux stimuli et aux variations émotionnelles. Mon expérience de la littérature ne coïncide pas avec ce que la théorie m’a appris de l’acte de lire et d’interpréter. Pourtant je lis, j’écris, je fais de la recherche, j’édite, je performe : j’ai une pratique littéraire multidimensionnelle et reconnue par mes pairs. La littérature correspond sans doute aussi à la façon dont, moi, je l’investis. Et si je me sens ainsi, c’est que, forcément, nous sommes plusieurs. Par hardiesse peut-être, j’ai voulu renverser le sentiment d’échec que je vivais face à cet idéal théorique d’une attention soutenue. Valoriser l’inattention en littérature allait également me permettre de ramener au premier plan tout ce que mobilise l’expérience littéraire en plus des mots : la rencontre, les corps et les affects, surtout. Les micros-libres m’ont semblé être le terrain d’exploration rêvé pour élaborer une telle théorie.
Ces évènements, étant animés par une surabondance communicationnelle, favorisent le flux des discours et l’émergence de voix dissidentes, chaotiques et désorientantes. Durant plusieurs heures, voire plusieurs jours4, des dizaines de personnes partagent leurs créations, selon un dispositif allant à l’encontre d’une autorité centralisée et privilégiant, à l’inverse, la constitution de solidarités transindividuelles et le souci (care) des vulnérabilités humaines. Les multiples expériences individuelles sont placées en relation d’interdépendance, ce qui rend profondément « collectifs » la pratique et les actes de réception des micros-libres. C’est aussi ce qu’affirme Joseph Alan Hassert, en se basant sur le micro-libre américain Transpoetic Playground :
Les micros-libres de poésie ne devraient pas être jugés uniquement sur la base des performances individuelles. Les critiques devraient aborder ces événements comme un art sériel, inscrit dans la durée – l’art, à l’instar des relations et du dialogue, s’étend sur un laps de temps. Adopter ce point de vue permet de mieux appréhender la valeur des micros-libres5 (Hassert, 2014 : 12).
Cette expérience esthétique ne peut être soumise au modèle fantasmé d’une communication directe, sans bruits, entre un·e émetteurice et un·e récepteurice, pas plus qu’être sectionnée en une échelle hiérarchisant la qualité et la valeur de chaque performance. Comme toute expérience, elle résulte de la relation dynamique entre de nombreux paramètres, allant de la température à la sonorisation de l’espace, de la pluralité des sensibilités aux rapports de crainte, d’animosité ou d’amitié parmi les personnes impliquées (qu’elles soient ou non présentes physiquement6). Mais si je garde à peu près le contrôle sur les principaux paramètres d’une lecture intime et silencieuse, je le perds presque entièrement dans un micro-libre. Les attentes et les sensibilités de chaque personne diffèrent, et les états varient tout au long de l’évènement, notamment en raison de la fatigue ou de la consommation d’alcool.
La perte de contrôle n’équivaut pas à une perte d’agentivité. La lecture effectuée de manière collective a plutôt un caractère dialectique : elle s’opère dans un dépassement des points de vue singuliers. Son horizon n’est pas restreint aux frontières de la scène – ce qui survient alentour n’interfère pas avec la poésie en performance, mais la constitue. En plus de ce qui se joue sur scène, voilà qu’un couple se dispute, et leur chicane me distrait, puis m’amène à écouter les trois femmes assises derrière moi qui commentent l’une des récitations. Sans attendre l’entracte, je décide de me diriger aux toilettes. Je croise une connaissance sortant pour fumer, que je salue. Après avoir uriné, je m’observe dans le miroir. La voix amplifiée dans les haut-parleurs ne me parvient que comme un lointain murmure. Je regagne ma chaise, et s’entame une performance qui me bouleverse. Les paroles échangées avec mon amie, l’homme se levant pour commander un pichet de Tremblay, le bruit d’une chasse d’eau ne font pas moins partie de l’expérience esthétique que la récitation. Pour comprendre cette expérience, il ne faut pas chercher à les masquer, puisqu’elle ne s’arrête pas à la seule saisie du texte. Elle n’obéit pas aux normes interprétatives de l’herméneutique; son sens découle aussi – surtout, oserais-je dire – de processus de rencontre, de partage et de négociation. D’ailleurs, étant donné que la plupart des lieux hébergeant des micros-libres ne sont pas réservés à celleux qui souhaitent y participer, il est probable que des gens considèrent minimalement (ou pas du tout) la portée poétique de leur expérience (ce qui ne la rend pas moins effective). Ceux-ci n’écouteront peut-être aucune des prestations, chercheront parfois à les escamoter. Ils sont venus fêter l’obtention d’un contrat, jouer avec leurs enfants7, rédiger un article de blogue; d’autres sont là parce qu’ils y sont tous les jours, occupant ces lieux peu importe ce qui s’y passe. S’il est nécessaire qu’un certain nombre de personnes soit, dans une certaine mesure, attentif aux performances, l’acte de réception, sur une échelle individuelle, peut être pleinement réalisé sans que je leur porte le moindre intérêt.
La réception se produit sur différents modes, qui sont déséquentialisés, instables et imprévisibles. Ces modes sont « en phase » quand les attentions individuelles sont complémentaires, et « en décalage » quand les tensions sont élevées. Les tensions induites par le rassemblement de ces corps impliquent des moments de rupture et des tentatives de renégociation. Il arrive que je sois importunée par une conversation, ou que le poème lu m’ennuie ou me blesse. Pour dépasser cette apparente incommodité, plusieurs niveaux d’expérience doivent parvenir à cohabiter. Cela suppose un accordage affectif – que je sois attentive (attentionnée) aux autres et que cette attention soit réciproque :
[U]n « dialogue » ne progresse que grâce aux micros-gestes d’encouragement, de sympathie, de prévention, de précaution ou de réconfort – autrement dit, grâce aux multiples « attentions » – que chacun des participants adresse à l’autre pour maintenir entre eux une bonne résonance affective, qui est bien plus déterminante encore pour le déroulement de leur échange que toute rigueur de raisonnement argumentatif (Citton, 2014b : 129-130).
L’évènement exige que je m’adapte aux sensibilités environnantes, au risque d’en causer l’interruption, ce que provoqueraient des tensions irréconciliables (j’en ai été témoin à deux reprises). Au cœur de ce brouhaha, j’ajuste constamment le niveau de focalisation de mon attention, qui s’attache tantôt à la personne sur scène, tantôt au bruit sec d’un verre déposé sur une table, tantôt au titre d’un livre, tantôt aux frissons qui parcourent mon bras sous les effets d’un courant d’air frais. Cet état de flottement et ce foisonnement sensoriel ouvrent à une réceptivité plus large :
Quand quelque chose m’intéress[e] vraiment, me confie Mathieu Arsenault, tout de suite, ça m’accroch[e]. Mon écoute précède mon attention. Dans les micros-libres, […] il y a tellement de monde qui lit. Je ne suis pas stressé que ce soit plate, je ne suis pas stressé de ne pas écouter, parce que je sais que, quand ça va être bon, un moment donné, je n’aurai plus besoin de me demander si c’était intéressant ou pas. C’est souvent un peu bon, un peu pas bon, et tu te demandes vraiment si tu es en train de te désintéresser de la poésie, jusqu’à ce qu’un texte arrive et que tu te dises ah c’est vraiment malade : c’est ça que j’attendais (Roussel, 2016 : 61).
Dans un modèle idéal – qui n’est pas toujours observé –, on imagine que je me tais lorsque des personnes plus vulnérables s’expriment, mais aussi que je demeure à l’affut des réponses de la salle une fois sur scène, en ne la saturant pas d’une récitation trop longue, par exemple. L’écoute se dirige plus facilement vers celleux qui se soucient des réactions du public, qui l’apostrophent, qui assument le risque de l’improvisation, acceptant de contribuer à un flux de voix multiples sans chercher à voler la vedette.
Se mettre ainsi au diapason des autres requiert un état d’immersion, comme lorsque je marche dans une ville étrangère, dont j’ignore la langue et les conventions sociales, et qu’il me faut « inventer de nouveaux critères d’appréciation et de repérage » (Citton, 2014b : 70). Une forme d’itinérance, ce mouvement permanent et constitutif d’une perception du monde. L’anthropologue Tim Ingold dit du·de la voyageureuse itinérant·e qu’iel « observe, écoute, ressent ce qui se passe, […] attentif[·ve] aux innombrables indices qui, à tout moment, peuvent l’inciter à modifier » (Ingold, 2011 [2007] : 111) ses gestes et ses déplacements. Iel ne cherche pas à établir ou à comprendre de nouvelles normes. Iel s’engage dans une expérience renouvelable du monde. Pour l’auteur d’Une brève histoire des lignes (2011 [2007]), les mouvements laissent des traces comme mémoire du vivant dans l’espace. Habiter le monde signifie être une ligne en progression qui croise d’autres lignes et s’y enchevêtre pour devenir des nœuds qui engendrent des lieux : « La vie d’une personne est la somme de ses traces, de toutes les inscriptions de ses mouvements, quelque chose qu’on peut retracer sur le sol » (Wagner, cité dans Ingold, 2011 [2007] : 112). Cette manière d’être, Ingold l’oppose au transport et à l’occupation, qui sont tous deux utilitaristes, et où la vie est contenue en des points précis plutôt qu’elle ne se déroule entre eux. Dans les micros-libres, la littérature déborde des stations textuelles et se vit tout au long de l’évènement, dans cette mise en jeu imprévisible de l’expérience sensible, à laquelle je me rends présente, dans laquelle je me hasarde.
Au Bistro ouvert XXXVIII (11 décembre 2016), un homme assis à une machine à sous, située au fond du Bistro de Paris, se met à grommeler et à lâcher de longs cris. Sa parole s’accroche à certains mots récités sur scène. Il les répète, il y répond. Spontanément, il choisit d’entrer en dialogue avec ce qu’il entend, faisant dévier le texte écrit. La performance devient cette lecture en échos. Le caractère artificiel des conventions, des tours de parole et des places assignées, ainsi rendu saillant, apparait gênant en regard de tout ce qui est freiné par des attitudes programmées. Lors du micro-libre organisé par La Criée (9 décembre 2016) au Parc des Compagnons-de-Saint-Laurent, la température glaciale amène tout le monde à se réunir près d’un feu. Un homme s’approche au moment où Baron Marc-André Lévesque entame sa déclamation, reniflant sans arrêt la morve qui dégouline de son nez. Il tourne autour de nous, faisant craquer la neige sous ses pas. Alors que je tente, comme plusieurs, d’oublier le froid qui assaille mes orteils, d’ignorer les reniflements pour me concentrer sur la voix du poète, l’homme s’écrie plusieurs fois : « Entendez-vous le bruit de mes pas? » Il m’empêche de me dissocier du réel. En nommant la neige, le froid, la douleur, il imbrique la poésie dans l’évènement de sa mise en voix. Elle n’en a, bien sûr, jamais été séparée. Je mentirais si j’affirmais que, portée par la performance, je cesse de sentir l’humidité travailler mes jointures. Mais sa question me force à considérer l’ensemble de ce qui m’entoure et à ne pas faire de la voix amplifiée le centre de mes perceptions. L’évènement poétique du micro-libre s’inscrit à même les choses banales et les turpitudes du quotidien : il rend audibles des corps anonymes, ne prétendant pas appartenir à une série littéraire ni agir selon des conventions institutionnellement valorisées; il se nourrit de gestes incertains, de relations instables, qui se forment au fil du temps et au travers d’un espace.
L’itinéraire de mes déplacements me fait prendre part à une poésie en train d’advenir, offerte à la surprise et aux connexions spontanées, à l’écoute autant qu’à l’inattention. Une poésie de tous les instants, dont je ne représente qu’une des lignes constitutives. D’autres l’investissent, la perçoivent et l’apprécient différemment. Cette poésie n’existe qu’à l’intersection de nos attentions conjointes, puisque « chacun oriente son écoute, ses regards et ses réactions en fonction des écoutes, des regards et des réactions des autres spectateurs » (Citton, 2014b : 151). Alors que je songe à la liste des aliments que j’achèterai à l’épicerie demain, une réaction, une intonation ou une odeur ramènent mon attention vers la scène. Le poème déclamé me chagrinait juste avant que ma voisine s’esclaffe, et son rire me contamine; tout à coup, le potentiel humoristique de la performance me saisit. Écoute-t-on dans les micros-libres de poésie? Cela dépend. Chaque personne offre une attention partielle à l’évènement, et c’est en sondant l’attention polyphonique, c’est-à-dire la somme de ces attentions partielles, qu’on parvient à dégager (imparfaitement toujours) une représentation de l’expérience esthétique d’un micro-libre.
Lionel Ruffel affirme, dans son ouvrage Brouhaha : les mondes du contemporain, que nous sommes en train d’assister à un changement de paradigme dans le monde littéraire :
[L]e littéraire aujourd’hui apparaît en très grande partie comme une arène conflictuelle composée d’une sphère publique hégémonique reposant sur l’imprimé et d’une multitude d’espaces publics contre-hégémoniques relevant plutôt d’une « littérature-brouhaha » (exposée, performée, in situ, multi-support) avec de très nombreuses circulations entre eux (Ruffel, 2016 : 101).
J’estime néanmoins que le réflexe de compartimenter l’expérience littéraire selon ses supports de médiation découle d’un biais, et qu’on comprendrait mieux ce qui se joue là si on s’intéressait plutôt aux modes de relation, aux façons de vivre, de penser et de ressentir. C’est à travers des corps vivants, faillibles, divergents que la littérature se crée, même dans les livres. Les théories modernes de la lecture nous ont fait croire à la perspective essentialiste de « la double sacralisation du “Livre” mallarméen et d’une “voix” lyrique totalement désocialisée » (Vaillant, 2010 : 259). Cette conception binaire et verticale de l’expérience littéraire, s’appuyant sur une séparation radicale entre l’artiste et le public, et sur une attention soutenue comme modèle perceptif et interprétatif, ne rend pas compte de nombreuses façons d’expérimenter la littérature, dont les micros-libres. Cette expérience de la poésie n’a pas pour objectif de générer un surplus de signification par un investissement attentionnel ni de comprendre rapidement un message qui nécessiterait peu d’effort de déchiffrage. Pour poursuivre la métaphore économique, peut-être s’agit-il ici plutôt d’une dette généreuse, qui fait d’une présence le gage d’une autre. Nous sommes lié·es par l’expérience esthétique et redevables de ces liens.
La littérature est bien d’autres choses que « l’objet d’un travail interprétatif visant à reconstruire ce qu’elle peut signifier indirectement ou, si l’on veut, allégoriquement » (Hanna, 2014 : 245). Christophe Hanna nous convie à la réfléchir à la lumière d’une « poétique de la remarque » :
Remarquer est un « acte illocutionnaire » spécial, comparable à « promettre » ou « avertir », « s’excuser ». J’ajoute que c’est un acte qui se produit le plus souvent instantanément, le temps de formuler la remarque et de comprendre ce qu’elle désigne de remarquable. Il transforme le contexte dans lequel il est effectué en mobilisant un ensemble de règles communes ou de conditions de réussite (ibid. : 243).
Les micros-libres entrainent certainement une pensée composée de remarques successives, qui participe à développer une hygiène de la perception, « une manière singulière de rediriger son attention vers tel ou tel aspect méconnu de notre environnement » (idem). Ils exercent notre « capacité à faire proliférer les associations provoquées par des voisinages inattendus » (Boullier, 2014 : 107) en nous engageant dans un processus actif de réception au cours duquel, d’indice en indice, de remarque en remarque, par sérendipité nous fabriquons « des connexions et des totalités provisoires dans une interprétation et une reconnexion incertaine » (idem). Qu’est-ce que je vois? Qu’est-ce que je ne vois pas? Qu’est-ce que j’entends? Qu’est-ce que je n’entends pas? Qu’est-ce que je ressens? Et toi, que ressens-tu? Que faisons-nous, si ce n’est écouter de la poésie?
Couverture : Ostie de grosse soirée de poésie subversive, fiche d’inscription pour performer. Bistro de Paris, Montréal (Canada), 2015. Photographie d’Alexandre Turgeon Dalpé.
Bibliographie
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- 1. Une première version des réflexions contenues dans cet article est parue dans mon mémoire « Expériences poétiques des micros-libres : enjeux de lecture, enjeux de sociabilité » (2018), dont la lecture intégrale est accessible en ligne : archipel.uqam.ca/12092/
- 2. L’histoire de la lecture occidentale tend, en règle générale, à révéler le lent passage d’une lecture oralisée à une lecture silencieuse. Cette transformation ne doit pas être comprise comme la disparition de pratiques poétiques orales, mais bien comme l’internalisation d’une nouvelle norme de lecture.
- 3. « [I]f disciplinary society was originally constituted around procedures through which the body was literally confined, physically isolated and regimented, or set in place at work, Foucault makes clear that these were but the first relatively crude experiments in an ongoing process of perfecting and refining such mechanisms. By the early twentieth century, the attentive subject is part of an internalization of disciplinary imperatives in which individuals are made more directly responsible for their own efficient or profitable utilization within various social arrangements. And certainly the attempts in the late nineteenth century to determine the limits of “normative” attentiveness were part of this transformation ». Toutes les citations en anglais de cet article ont été traduites par mes soins.
- 4. Cœur ouvert, un micro-libre organisé par Carl Bessette en collaboration avec le Festival international de la littérature (FIL), s’est tenu au bar le Sporting Club en septembre 2017 pendant neuf jours et huit nuits.
- 5. « Open mic poetry events should not be judged by the individual performances alone. Critics should treat these events as serial, durational art – art, which like relationships and dialogue, occurs across a temporal span. As such, a greater appreciation for the value of open mics can be achieved ».
- 6. Comme l’avait relevé Lígia Dabul pour les expositions d’art, les conversations colorent notre rapport aux œuvres : « Dans les expositions étudiées, nous repérons en fait une gamme considérable de pratiques accomplies au moyen d’interactions sociales, souvent plus valorisées par les visiteurs que l’observation des travaux exposés elle-même : les jeux, les études, le flirt, la convivialité pure et simple, la causerie » (Dabul, 2014 : 96).
- 7. D’autres lieux que les bars accueillent des micros-libres, comme des parcs, des stationnements d’église, des cafés, des librairies, des appartements privés.